Quatre fois par an, Agnes Grossmann quitte son domicile montréalais et s'envole pour Taiwan. Elle y dirige le Choeur national de Taiwan, qui visite Montréal pour la première fois ce soir, à la Maison symphonique, dans le cadre d'une tournée nord-américaine. Au programme de la soirée: des oeuvres de Bruckner, Schumann, Brahms et des chants folkloriques taiwanais.

Après avoir dirigé l'Orchestre métropolitain de 1986 à 1995, puis avoir été directrice artistique du Centre d'arts d'Orford pendant une dizaine d'années, Agnes Grossmann a beaucoup voyagé en tant que chef invitée.

«Je dirige régulièrement en Asie, surtout au Japon. Taiwan s'est ajouté en 2006. Six ans plus tôt, j'y ai été invitée pour diriger une oeuvre de Schnitke et j'ai été impressionnée par le potentiel de cette chorale. J'y suis retournée pour diriger les Carmina Burana, et ils m'ont demandé de devenir leur directrice artistique. Quatre fois par an, nous donnons un concert précédé de plusieurs répétitions. Cette formule a permis à la chorale de se développer en explorant différentes périodes du répertoire. Cette année, nous avons même fait une production de La flûte enchantée au Théâtre national de Taipei.»

Ces jeunes chanteurs taiwanais, âgés de 25 à 35 ans, ont pour la plupart été formés en Europe ou aux États-Unis. Le ministère de l'Éducation de Taiwan finance cet ensemble national pour propager la musique classique dans la petite île. Musique qui connaît une popularité fulgurante en Chine et à Taiwan.

«C'est comme un feu qui s'est étendu en Asie, dit-elle. C'est la conséquence d'une volonté d'inclure la musique classique comme élément important du développement de chaque personne. Cet amour de la musique occidentale s'explique, à mon avis, par le fait qu'il s'agit pour eux d'une façon nouvelle de mobiliser, d'exprimer ses sentiments et de mieux se comprendre, puisque la musique combine l'intellect et les émotions.»

Une pionnière

Avant de devenir chef d'orchestre, Agnes Grossmann se destinait à une carrière de pianiste. Cette carrière a été interrompue en 1972 par une blessure à la main droite.

«Avec la direction d'orchestre et de choeur, je pouvais quand même m'exprimer musicalement. Je suis donc retournée étudier. Mais à l'époque, à Vienne, ce n'était pas évident d'être femme chef d'orchestre. Il y avait même deux orchestres qui n'acceptaient pas les femmes comme membres. J'ai donc quitté Vienne en 1981 à l'invitation de l'Université d'Ottawa. En 1986, je suis venue à Montréal pour diriger l'Orchestre Métropolitain.»

L'époque actuelle est toutefois plus favorable aux femmes intéressées par la direction, selon Agnes Grossmann. «Elles sont peu à peu intégrées dans ces postes, mais ce n'est pas facile de combiner la vie de chef et toutes ses responsabilités avec la vie de famille. C'est à cause de cela que j'ai pris la décision difficile de ne pas avoir d'enfants.»

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Choeur national de Taiwan, ce soir, 20h, à la Maison symphonique.