L'OSM marque le 150e anniversaire de Debussy avec une oeuvre peu jouée de 23 minutes, ouvre et ferme le concert avec du Ravel, et complète le programme avec un Britten qui, finalement, laisse la plus forte impression.

En son absence, Kent Nagano a de nouveau invité au pupitre son compatriote et successeur au Los Angeles Opera, le chef américain James Conlon. Seul ce lien peut justifier le retour hâtif du musicien de 62 ans qui dirigeait l'OSM aussi récemment qu'en février dernier. James Conlon nous visite depuis bien des années. Malgré quelques réussites occasionnelles, l'impression d'ensemble est celle d'une réputation carrément surfaite. Un très bon chef? Sans doute. Un grand chef? Certainement pas.

M. Conlon dirige les deux Ravel de mémoire. Il place certains cuivres à gauche avant l'entracte et à droite au retour dans la salle. Le concert débute par la suite Le Tombeau de Couperin, à l'origine pour piano. La nouvelle acoustique souligne la beauté des timbres, particulièrement chez les bois. Mais le résultat s'arrête aux timbres. On regrette l'extraordinaire imagination avec laquelle Dutoit agençait ces couleurs. Même regret en fin de concert dans la Rapsodie espagnole (l'orthographe «rapsodie» est de Ravel). La virtuosité de l'orchestre est toujours aussi phénoménale et l'immense tutti terminal fait beaucoup de bruit... rien que du bruit. Celui qui fut à la tête de l'OSM pendant un quart de siècle apportait à ces pièces une sensualité qui, aujourd'hui, n'est qu'un souvenir. Louis Lortie lui-même, pianiste devenu chef invité un certain soir de 2008, avait fait beaucoup mieux dans la même oeuvre. C'est tout dire!

Les quatre «fragments symphoniques» tirés de la musique de scène que Debussy composa pour Le Martyre de Saint Sébastien de Gabriele d'Annunzio ont figuré à quelques reprises à l'OSM. Dutoit les dirigea en 1986 (avant de les enregistrer avec l'orchestre) et Nagano les reprit en 2008. Ce n'est pas là le meilleur Debussy et ni Dutoit, ni Nagano, n'en firent une chose palpitante. M. Conlon n'est donc pas responsable de l'ennui qui plombait la salle. Deux remarques, quand même: a) Debussy demande trois harpes et l'OSM ne lui en donne que deux; b) l'attaque des cuivres à la toute dernière page est magnifiquement ratée.

En fin de compte, c'est le Concerto pour violon de Britten qui fait la soirée. Composé en 1939 dans les Laurentides (fuyant la guerre, le compositeur britannique s'y était réfugié), il groupe trois mouvements joués sans interruption et totalisant 31 minutes. On l'a entendu deux fois à l'OSM: par Ida Haendel en 1978 et par Maxim Vengerov en 2003. L'oeuvre est tourmentée, comme un écho de l'angoisse qui agitait alors le monde, et c'est ainsi que la traduisent le chef invité et le soliste, Gil Shaham, de retour ici après une longue absence. Le violoniste américain adopte d'abord des phrasés qui conviendraient davantage à Korngold, mais il se ressaisit bientôt, trouve le ton approprié, celui de l'accablement, et déploie une virtuosité en accord dans la cadence qui relie le deuxième mouvement à la passacaille finale.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: James Conlon. Soliste: Gil Shaham, violoniste. Jeudi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Série «Air Canada».

Programme :

Le Tombeau de Couperin (1919-20) - Ravel

Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 15 (1939, rév. 1950) - Britten

Le Martyre de Saint Sébastien: Fragments symphoniques (1911) - Debussy

Rapsodie espagnole (1907) - Ravel