L'Opéra de Montréal ouvre sa 33e saison avec l'ouvrage qu'il a monté le plus souvent, soit sept fois, depuis sa création en 1980: La Traviata de Verdi. Première samedi soir, 19h30, salle Wilfrid-Pelletier de la PdA, pour quatre représentations jusqu'au 22. Des 92 opéras présentés à ce jour par l'OdM, seuls trois Puccini s'approchent de ce record: La Bohème, Madama Butterfly et Tosca, avec six productions pour chacun.

Cette saison encore, l'OdM limite chaque spectacle à quatre représentations, ce qui étonne dans le cas d'un opéra aussi populaire. Choisie pour clôturer la toute première saison, en juin 1981, La Traviata avait alors été donnée sept fois. Même chose en 1984. Pour les quatre productions suivantes (1993, 1998, 2002 et 2006), on s'était limité à six représentations... mais non à quatre.

Quelques mots de rappel sur le scénario, basé sur La Dame aux camélias, roman et pièce de théâtre d'Alexandre Dumas fils. Verdi et son librettiste Piave ont rebaptisé la demi-mondaine Violetta Valéry, le titre de leur opéra signifiant «celle qui s'est écartée du droit chemin». Violetta trouve enfin l'amour vrai en Alfredo Germont, mais le très correct père du jeune homme la persuade de renoncer à son fils, qui en conclut avoir été trahi. Pauvre et abandonnée de tous, Violetta meurt dans les bras d'Alfredo venu lui pardonner.

Concernant la distribution: débuts ici pour la soprano grecque Myrtò Papatanasiu et le baryton italien Luca Grassi, retour du ténor Roberto De Biasio entendu à l'OdM en 2010 dans un autre Verdi, Simon Boccanegra. Les rôles secondaires ont été confiés à des chanteurs locaux. Le chef italien Antonino Fogliani fait aussi ses débuts ici, avec l'Orchestre Métropolitain, et Michael Cavanagh a signé une mise en scène annoncée comme «traditionnelle», dans des décors et costumes achetés du Minnesota Opera.

Pure coïncidence, l'Opéra de Québec ouvre aussi sa saison avec La Traviata, du 20 au 27 octobre, également pour quatre représentations.

La Traviata a eu une intéressante «carrière» montréalaise. Elle fut donnée ici dès 1859, soit six ans après la création (Venise, 1853). La légendaire cantatrice québécoise Emma Albani chanta le rôle dans sa propre ville l'année suivante. Les annales mentionnent aussi des représentations en 1910 et en 1940. Les Variétés-Lyriques la montèrent en 1943 et en 1951, chaque fois en français. La production de 1951 réunissait Pierrette Alarie et Léopold Simoneau avec, dans de petits rôles, Joseph Rouleau et Louis Quilico à leurs débuts.

Les tournées annuelles du Metropolitan de New York, au Forum, nous valurent ensuite deux mémorables productions: avec Eleanor Steber, Jan Peerce et Leonard Warren en 1952, et avec Renata Tebaldi, Giuseppe Campora et Robert Merrill en 1957, et Fausto Cleva au pupitre dans les deux cas. L'Opera Guild monta l'oeuvre en 1962 avec Frances Yeend, Richard Verreau et Napoléon Bisson, sous la direction de Julius Rudel. L'OSM, producteur d'opéras pendant quelques saisons, la présenta en 1965 avec Virginia Zeani. L'année suivante, un imprésario improvisé, cherchant à devancer le Festival mondial d'Expo 67, y afficha Renata Scotto et le Teatro Regio di Parma. En 1972, Maria Pellegrini chanta Violetta, avec Nicola Rescigno au pupitre, à l'Opéra du Québec, l'«ancêtre» de l'OdM où six productions allaient se succéder de 1981 à 2006 avec, tour à tour, Diana Soviero (dans ses débuts ici), Elena Mauti-Nunziata, Susan Patterson, Lyne Fortin, Gianna Corbisiero et Yali-Marie Williams.

Au total, Montréal a vu La Traviata au moins 18 fois. On peut oublier l'aventure de 2004 de l'Orchestre Philharmonique du Nouveau Monde dans le lieu sûrement le moins approprié aux ébats de notre demi-mondaine, soit l'église Saint-Jean-Baptiste(!), le dimanche soir 2 mai 2004.