Ce n'est un secret pour personne, Kent Nagano adore Montréal. Cet été, il participe à un véritable marathon de concerts, dont la Virée classique, une nouvelle formule: 20 courts concerts à petit prix en une journée. Visiblement emballé, il a reçu La Presse à son bureau pour discuter de ce projet grand public inédit.

L'initiative, qui a germé dans la tête du chef il y a longtemps, vise à faire entrer l'OSM dans l'effervescence festivalière qui saisit la ville pendant la période estivale.

«Bien sûr, l'OSM a toujours été présent en été avec ses concerts gratuits dans les parcs, et en périphérie à Lanaudière et à Orford, explique-t-il. Mais dans les parcs, le répertoire est limité, car on ne peut pas jouer n'importe quelle oeuvre en plein air devant des foules de 10 000 personnes. Je voulais créer un cadre permettant de combiner le haut niveau de raffinement de l'orchestre avec le rythme festivalier, sans compromis sur la qualité.»

Après une séance de remue-méninges avec son équipe, l'idée est venue de présenter un répertoire connu en 20 concerts de 45 minutes chacun, accessibles pour des sommes variant de 10$ à 30$, pour que le public puisse choisir à la carte et construire un itinéraire de plusieurs concerts dans la même journée.

Les concerts auront lieu simultanément à la Maison symphonique, à la Cinquième Salle et au Studio-Théâtre de la Place des Arts, de façon à ce que l'on puisse se déplacer de l'un à l'autre en quelques minutes. En plus de l'OSM, plusieurs musiciens donneront des récitals. Quelques têtes d'affiche: Marc-André Hamelin, Marianne Fiset, Stéphane Tétreault, le Canadian Brass, le Trio Tetzlaff et le Nouveau Quatuor Orford, entre autres. Pour sa part, Kent Nagano dirigera cinq concerts en un jour!

«Cela semble énorme, mais comme chacun ne dure que 45 minutes, comparé à Götterdämmerung, que j'ai dirigé la semaine dernière à Munich et qui dure six heures, ce n'est pas si mal», plaisante-t-il.

Démystifier

«Nous avons aussi voulu créer une ambiance conviviale où les gens seraient en contact plus intime avec les musiciens, ajoute Kent Nagano. Le message à transmettre, c'est que la musique classique a été conçue pour le peuple, surtout depuis Beethoven, qui avait créé ses propres séries de concerts pour partager ses symphonies avec tous. Ce n'est pas une musique pour les gens riches et bien habillés, c'est une musique pour toute la société. On veut dire au public: on joue cette musique pour vous parce qu'elle a été écrite pour vous.»

Entre les concerts, les musiciens seront disponibles pour rencontrer le public. De plus, des activités familiales gratuites auront lieu toute la journée: ateliers de confection d'instruments pour les enfants, kiosques de démonstrations d'instruments, sessions d'introduction au monde classique animées par Françoise Davoine d'Espace Musique, et autres.

Projets

Cette Virée classique serait-elle l'embryon d'un futur nouveau festival pour Montréal?

«Il y a certes une possibilité de prendre de l'expansion, mais cela ne dépassera jamais deux jours, parce que l'idée première est d'avoir un événement très concentré, au rythme rapide, pour créer une impression intense chez le participant», dit le chef.

On a appris récemment que Kent Nagano terminerait son contrat avec l'Opéra national de Bavière à la fin de la prochaine saison, sans renouvellement. De nouveaux défis en vue? Il demeure secret pour la suite des choses.

«J'ai plusieurs belles tentations, dit-il en riant. Pour l'instant, j'ai le luxe de réfléchir et d'étudier les possibilités, tandis qu'à l'OSM, j'ai l'impression d'en être à un nouveau début grâce à la Maison symphonique, qui est, en soi, un miracle réussi par cette communauté.»

En quittant le bureau du maestro, on aperçoit le chandail du Canadien à son nom accroché derrière la porte, un cadeau du Tricolore lors du concert La rencontre du siècle, en 2009.

«Tout ce qu'il manque à Montréal, maintenant, c'est que la Coupe Stanley revienne!», lance-t-il. On peut bien rêver. En attendant, il y aura toujours la musique.

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Quatre rendez-vous avec Nagano

Concert russe à Lanaudière

Ce soir, les Russes sont à l'honneur à Lanaudière avec Le sacre du printemps de Stravinski et Tableaux d'une exposition, de Moussorgski. «J'ai dirigé beaucoup de musique russe quand j'étais en France, il y a 12 ans. Mais on trouve toujours de nouvelles idées quand on replonge dans une oeuvre. L'OSM et moi avions déjà joué Le sacre du printemps une fois, mais cette fois-ci, nous l'avons travaillé beaucoup plus en profondeur.» Cette oeuvre évoque un souvenir cocasse. «Quand j'étais petit, je suis allé au concert avec ma mère, qui rouspétait parce que le Sacre était au programme. Elle trouvait cette oeuvre trop contemporaine! Aujourd'hui, le Sacre s'est établi comme un grand chef-d'oeuvre, plus personne ne le considère comme trop moderne. C'est une preuve que la tradition musicale est bien vivante.»

Paysages de Russie, le 4 août à 20h, à l'Amphithéâtre Fernand-Lindsay.

Musique de chambre et éducation à Orford

C'est avec une formation de chambre composée de musiciens de l'OSM que Nagano visite Orford, cette année. Ils partageront la scène avec le baryton français François Le Roux dans Le bal masqué, de Poulenc, et dans des mélodies françaises. On entendra également le Trio, de Ravel, et L'histoire du soldat, de Stravinski. Le lendemain, il dirige l'Orchestre de l'Académie Orford, composé de jeunes musiciens stagiaires, dans une répétition publique qui tient également lieu de cours de maître. Au programme, des oeuvres de Brahms et Wagner.

Nagano, François Le Roux et des musiciens de l'OSM, le 7 août à 20h, Salle Gilles-Lefebvre, Orford. Orchestre de l'Académie Orford, le 8 août à 19h30, Salle Gilles-Lefebvre, Orford.

Concert gratuit au Parc olympique

Kent Nagano dirige pour la première fois un concert extérieur estival gratuit à Montréal. Auparavant, la chose avait été impossible pour des questions d'horaires. «Je suis un fan de baseball, dit-il. Le Stade olympique a été ma première image de la ville. Quand je regardais des matchs des Expos, j'étais frappé par cette structure blanche comme un cygne avec son cou allongé. Personnellement, je le trouve beau! Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, pour le reste du monde, c'est un symbole de Montréal. C'est pourquoi j'ai tout de suite accepté quand on m'a demandé de participer à un événement destiné à relancer le parc.» La soirée promet d'être épique avec l'Ouverture 1812 de Tchaïkovski, une pièce pour taïko (tambour japonais) et une centaine de cuivres supplémentaires dans Pini di Roma (Pins de Rome) de Respighi. On a appelé des bénévoles en renfort des cuivres de l'OSM, dont 30 musiciens des Forces armées canadiennes. Le site peut accueillir jusqu'à 30 000 spectateurs.

Le 9 août à 19h30, à l'Esplanade du Parc olympique (à côté du Stade).

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La Virée classique, le 11 août de 11h à 22h, à la Maison symphonique, à la Cinquième Salle et au Studio-Théâtre de la Place des Arts. Programmation: www.osm.ca