Honte au National Youth Orchestra of Canada qui, avant le concert, a laissé sa représentante massacrer le français comme il n'est pas permis de le faire. Un pays bilingue, paraît-il...Ce qui suivit fit pardonner, sinon oublier, ce numéro tragicomique digne d'un incident diplomatique.

En cette 52e année d'existence, le NYOC a en effet montré qu'il peut être, aussi, l'Orchestre National des Jeunes du Canada en invitant pour une deuxième année Alain Trudel comme chef invité (il y vint d'abord en 2009) et en commandant une oeuvre à Nicolas Gilbert.

Le National Youth - pour simplifier - avait choisi la Maison symphonique pour le concert qu'il donne fidèlement à Montréal dans le cadre de sa tournée annuelle. Heureux choix, d'abord parce que la Basilique Notre-Dame, où se produisait habituellement l'orchestre, est à fuir en période de canicule (comme celle que nous traversons présentement), ensuite, et surtout, parce que la nouvelle acoustique a permis d'entendre l'orchestre dans les conditions idéales.

L'assistance était hélas! si faible qu'on avait fermé les balcons et concentré les spectateurs au parterre. Or, au parterre, une bonne moitié des fauteuils étaient inoccupés. Quelques centaines de personnes seulement auront donc entendu ce concert extrêmement réussi du jeune orchestre groupant cette année 96 garçons et filles.

Le programme mettait l'accent sur les «grosses machines»: le poème symphonique Fontane di Roma de Respighi, une suite du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev et le Concerto pour orchestre de Bartok. Pour le Prokofiev, Alain Trudel suivit la formule adoptée par les chefs et prépara sa propre suite en puisant dans les trois que publia le compositeur.

Ce concert confirma une fois de plus son immense talent de meneur d'orchestre, de musicien et d'interprète, son mérite étant d'autant plus grand que l'orchestre placé sous sa direction est jeune et forcément inexpérimenté.

L'ex-tromboniste n'a rien du maestro guindé de la légende. En fait, l'entrée en scène pourrait être celle d'un humoriste. Que l'on ne s'y trompe pas: Trudel peut amener son orchestre aux plus tendres confidences et aux plus doux raffinements, le réduire à d'infimes pianissimos proches de l'inaudible, autant qu'il peut le faire exploser avec une puissance absolument cataclysmique.

La conclusion du Respighi, sur trois «p», «morendo», et la plainte qui montait des violons à la toute fin du Prokofiev furent deux moments de grâce de ce concert. Par ailleurs, quelle opulence wagnérienne dans ce Respighi, que de force dans les scansions et dissonances crues du Prokofiev.

Plus difficile encore, surtout pour un jeune orchestre, le Bartok fut un peu moins réussi du côté des cordes. Bien que n'ayant aucun problème à jouer à l'extrême vitesse exigée, surtout au finale, le quintette d'archets ne produisit pas toujours ce son bien nourri que requièrent les séquences lyriques. Mais le Jeu des couples (le deuxième mouvement) révéla une entente parfaite, à tous égards, chez les vents jouant deux à deux à la tierce, à la sixte, à la septième, chacun écoutant bien l'autre.

Le programme contenait des notes sur toutes les oeuvres sauf celle de Nicolas Gilbert, intitulée Résistance. Le compositeur vint sur scène en dire quelques mots. Nicolas Gilbert est considéré comme l'un de nos jeunes compositeurs les plus dignes d'attention. S'il veut demeurer à la hauteur de cette réputation, il devra proposer quelque chose de plus original que ce sous-produit du minimalisme qui, en 12 minutes, contient tout au plus quelques jolis sons.

À l'entracte, on remit quelques médailles et on fit lever les jeunes musiciens par province représentée. En rappel, et suivant la tradition du National Youth, le chef les fit chanter comme de charmants enfants.

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NATIONAL YOUTH ORCHESTRA OF CANADA / ORCHESTRE NATIONAL DES JEUNES DU CANADA. Chef invité: Alain Trudel. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme:

Fontane di Roma
(1916) - Respighi


Suite de concert du ballet Roméo et Juliette, op. 64 (1935) - Prokofiev

Résistance (2012) (création) - Gilbert

Concerto pour orchestre
, Sz. 116 (1943) - Bartok