Écho d'une époque hautement civilisée, pleine de joie de vivre, mais hélas! révolue, la musique de Johann Strauss fils occupait en entier le programme inaugural de la 48e saison des «Concerts populaires de Montréal» au Centre Pierre-Charbonneau. Le vaste lieu pouvant accueillir 2 000 personnes n'était rempli qu'aux deux tiers cependant, ce qui étonne pour un début de saison réunissant des noms aussi populaires qu'Albert Millaire et Johann Strauss. La soirée fut quand même fort réussie et fort agréable.

Le programme était constitué de pages, les unes très connues, les autres moins, du plus célèbre membre de la dynastie des Strauss. Le feuillet remis à la porte n'indiquait pas qu'Albert Millaire avait lui-même rédigé le texte qu'il lisait, et fort bien, entre les pièces. Étonnamment fouillé, très instructif et plein d'esprit, ce texte faisant revivre le père Strauss et ses trois fils (dont le célèbre Johann jr.), leurs femmes, leurs problèmes, leurs rivalités et leurs déceptions.

Stéphane Laforest et la Sinfonia de Lanaudière assuraient la partie musicale. La Sinfonia, dont la composition varie selon les besoins et qui fait appel à plusieurs surnuméraires de Montréal, comptait une quarantaine de musiciens pour ce programme Strauss. Les femmes du Quatuor Claudel-Canimex, qui agissent comme premiers-pupitres de l'orchestre, étaient cependant remplacées: le même soir, elles jouaient au Festival de Sainte-Pétronille.

Le programme comportait une douzaine de pièces, jouées dans un ordre parfois différent de celui qu'indiquait le feuillet. L'impressionnante Kaiser Walzer, l'amusante Pizzicato Polka, la brillante ouverture de Die Fledermaus et, bien sûr, la célébrissime valse du Beau Danube bleu (pour utiliser le nom français) étaient toutes au menu, alternant avec des pièces moins familières dont une faisant intervenir ce qu'il faut bien appeler un «joueur de moineau».

Laforest servit au public, lui aussi, quelques pitreries fort appréciées. Avant tout, il communiqua à ses musiciens le plaisir qu'il prenait à cette musique d'une inépuisable invention mélodique, jouant généreusement du rallentando, comme elle le permet. L'exécution fut presque toujours très soignée.

Le Centre Pierre-Charbonneau n'est pas une salle de concert. La musique y est amplifiée (il y a plusieurs micros au-dessus de l'orchestre) et le résultat varie selon l'endroit où l'on est placé. On va à ces concerts pour la musique, oui, mais on y va aussi pour le simple plaisir d'être dans ce lieu sympathique où, détail non négligeable, la «boîte à lunch» est préparée avec soin. Mais on n'a vraiment pas besoin de cette musique assourdissante que les haut-parleurs déversent pendant l'entracte! Celle qui vient avant et après suffit.

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SINFONIA DE LANAUDIÈRE. Chef d'orchestre: Stéphane Laforest. Albert Millaire, narrateur. Musique de Johann Strauss fils. Jeudi soir, Centre Pierre-Charbonneau. Concerts populaires de Montréal.