Montréal Baroque a raté une belle occasion de faire entendre ici, et sans doute en première, ce rare oratorio que Telemann composa à 80 ans, Der Tag des Gerichts - Le Jour du Jugement. Cette fresque tumultueuse et très audacieuse, voire moderne pour les oreilles de 1762, s'annonçait comme le couronnement idéal du dixième festival MB, que la directrice Susie Napper avait imaginé autour de cette «fin du monde» annoncée pour 2012.

Hélas! ce n'est pas Der Tag des Gerichts que l'on a entendu à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, mais autre chose, une espèce de collage difficile à décrire. L'oeuvre fait généralement un peu plus d'une heure. À Montréal Baroque, on l'avait mêlée à diverses pièces de Telemann, pour un grand total de 60 minutes, très exactement. À 20h40, tout était terminé. Le concert, annoncé pour 19h30, avait commencé par les remerciements de Mme Napper qui, d'ailleurs, était au violoncelle au sein du petit orchestre.

On ne précise pas si l'idée de ce «Telemann-moins/Telemann-plus» était la sienne ou celle du chef invité, Matthias Maute. Peu importe, à vrai dire. Telemann a divisé son oratorio en quatre sections, qu'il a appelées «contemplations». Montréal Baroque avait eu la décence d'indiquer «extraits» et de puiser aux quatre «contemplations». Mais la partition comporte 34 numéros et la version MB n'en contenait que 15, soit moins de la moitié. On y compte aussi quatre voix solistes, mais on n'en a entendu qu'une : une mezzo, sortie du choeur, et très ordinaire. À défaut de lui montrer comment chanter, M. Maute aurait pu tout au moins lui dire comment prononcer des mots comme «zusammengeflossen».

Mais le pire, c'était ce mélange où il était impossible de s'y retrouver : les 15 extraits alternaient avec d'autres pièces, soit une messe brève (!) et deux motets, toutes les pièces s'enchaînaient sans la moindre pause (sauf dans un cas), le programme ne contenait pas les textes chantés et les incipits (ou premiers mots) indiqués ne correspondaient pas toujours à ce qu'on entendait, la réverbération du lieu à moitié rempli n'aidant pas les choses.

En fin de compte, le seul élément qu'on retient de cette heure bien mesquine est l'exécution très précise, extrêmement vivante, pleine de contrastes et même de surprises, que M. Maute obtint du choeur recruté pour l'occasion et de son Ensemble Caprice augmenté de triomphales trompettes et timbales. Quel dommage que tant d'efforts n'aient pas été consacrés à une présentation intégrale de cette oeuvre majeure de Telemann, dont le présent condensé ne donnait qu'une vague image.

FESTIVAL MONTRÉAL BAROQUE. Concert final dimanche soir, Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours.