J'avais cru voir - ou plutôt entendre - en Olga Kindler, soprano de Suisse et dernier des huit finalistes du Concours international de chant, un candidat sérieux au premier prix. Le jury lui a décerné le deuxième. J'y reviens plus loin. Par ailleurs, Philippe Sly, baryton du Canada, avait été le plus égal des finalistes du premier soir, mais il était desservi par son programme. Le jury a eu raison de l'évaluer au-delà du programme et de le couronner premier prix car le sujet est vraiment exceptionnel, comme on le sait par de précédentes prestations locales.

Le troisième prix va à John Brancy, baryton des États-Unis, entendu le premier soir. J'avais reconnu là un réel talent vocal et musical, malgré quelques indispositions passagères. Le jury s'est arrêté au talent et, là encore, sa décision est saine.

Bref, c'est un beau sommet de palmarès qu'on a dévoilé hier soir. Les noms des autres gagnants seront annoncés demain soir au gala: 19 h 30, Maison symphonique.

Yuri Gorodetsky, ténor de Biélorussie, ouvrait hier la dernière soirée de finale. Il a placé l'air de Die Zauberflöte «dans le nez» et il a écrasé l'aigu dans celui de La Traviata. Mais il a un certain sens du théâtre et a excellé dans les deux pièces russes, soit la plus connue des mélodies de Rachmaninov et un air de Maïskaya Notch - ou La Nuit de mai - de Rimsky-Korsakov.

Soit dit en passant, la speakerine invisible du Concours, qui montre un souci presque comique de la prononciation exacte des titres étrangers, devrait, en toute logique, annoncer le Rimsky dans la langue originale et non en traduction française.

Concernant l'air de La Traviata, «De' miei bollenti spiriti», le  finaliste l'a donné avec la cabalette, mais Alain Trudel l'a fait accompagner sans les pizzicatos indiqués par Verdi.

Andréanne Paquin, soprano du Canada, possède une voix juste mais limitée en volume. Elle a aussi la technique requise pour les mélismes de l'air de Messiah et le colorature de Mignon. Son sens dramatique est très limité cependant. Je ne la vois pas à l'opéra - plutôt, chantant l'oratorio dans une église de modestes dimensions.

La soirée nous valait un autre ténor: Won Whi Choi, de Corée du Sud et, à bientôt 32 ans, le plus âgé des huit finalistes. La voix est puissante mais étrangement voilée, comme obstruée par quelque parasite. Avec un tel handicap, et à cet âge, impossible de songer à une carrière. Dommage, car l'homme chante avec âme, musicalité et goût. Ses airs de Manon, La Bohème et Carmen furent extrêmement émouvants et son français est très soigné.

En fin de programme parut la soprano suisse déjà mentionnée, Olga Kindler. Très imposante, dans une toilette qui l'était aussi. Elle réussit un premier exploit: traverser le «Laudamus te» de la Messe en si mineur de Bach tout en ignorant le pitoyable violon café-concert de M. Roberts. Le grand air de Tannhäuser, sinistre l'autre soir dans la bouche de Mme Voigt, fut enfin rendu dans tout son éclat. L'air du Cid de Massenet révèle un soprano dramatique en devenir et celui du Consul de Menotti est livré avec toute l'exaspération de la pauvre Magda Sorel aux prises avec la machine bureaucratique.

Une mention, en terminant, pour l'application avec laquelle Alain Trudel, au pupitre de l'OSM, a suivi chacun des finalistes.

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CONCOURS MUSICAL INTERNATIONAL DE MONTRÉAL. Discipline: chant. Épreuve finale, avec l'Orchestre Symphonique de Montréal. Dir. Alain Trudel. Maison symphonique, Place des Arts. Deuxième et dernière séance hier soir.

Programme:

Yuri Gorodetsky, ténor, 29 ans (Biélorussie)

Andréanne Paquin, soprano, 29 ans (Canada)

Won Whi Choi, ténor, 31 ans (Corée du Sud)

Olga Kindler, soprano, 31 ans (Suisse)