L'épreuve finale du Concours de chant s'est ouverte hier soir et se termine ce soir. Huit concurrents sont en lice, soit quatre pour chaque séance. Avec cette onzième compétition depuis le lancement du Concours en 2002 - et la cinquième de chant -, l'événement annuel fait son entrée à la nouvelle Maison symphonique. L'assistance était bonne, mais ce n'était pas salle comble. Il est vrai que bien des gens écoutent la transmission directe à Radio-Canada.

Les huit juges - dont Renata Scotto, Sir Thomas Allen, Joseph Rouleau et Jean-Pierre Brossmann - sont placés sur la première rangée de la corbeille, à une certaine distance les uns des autres, devant des lutrins éclairés où sont disposées les partitions de toutes les pièces présentées. Les juges n'applaudissent jamais; le contraire serait mal interprété. Par contre, on les voit prendre des notes ou même bâiller.

Je ne saurais les blâmer: j'en ai fait presque autant à certains moments. Car la soirée fut légèrement ennuyeuse, tant du côté des pièces que de leur exécution. Ainsi, les pages d'Ariodante et Rinaldo de Handel, Idomeneo de Mozart, Die tote Stadt de Korngold et The Rake's Progress de Stravinsky peuvent passer à la scène, dans les conditions requises, mais leur contenu musical n'est pas assez intéressant pour justifier une transposition au concert.

Les finalistes n'aidaient pas leur cause en les choisissant. Si on se plaint, et avec raison, de retrouver constamment les mêmes pièces dans les programmes de concert, ce sont encore celles-là, immortalisées par des interprètes de génie, qui permettent d'évaluer le mieux ceux qui aspirent à une carrière.

Des quatre voix entendues hier soir, celle de Philippe Sly, baryton canadien de 23 ans, est la plus belle, la plus égale sur toute la tessiture et la seule qui se meuve sans effort. Bien qu'encore très jeune, ce garçon a réalisé, comme chez Fischer-Dieskau (j'ose cette comparaison!), cette fusion absolument parfaite du texte et du chant d'où naît la véritable interprétation.

Philippe Sly devrait se classer très haut, malgré les réserves que sa prestation appelle. Le Handel qu'il avait choisi est d'un ennui mortel, les juges ont certainement noté qu'il avait mis deux «n» au «matrimonio» de Mozart, son Stravinsky hors du contexte scénique est tombé à plat et un décalage est survenu entre lui et l'orchestre dans le Bach d'ailleurs chanté comme du Mahler. Bref, Philippe Sly fut magnifique... dans un programme qui n'était pas pour lui.

Un autre baryton, l'Américain John Brancy, possède lui aussi une masse vocale ferme et timbrée et une réelle intelligence musicale. Son Mendelssohn - version allemande de Elijah - était d'une concentration absolue. Il a chanté le reste d'une voix parfois légèrement enrouée et a connu quelques problèmes de justesse.

Ouvrant la séance, Emily Duncan-Brown, soprano du Canada, projette une voix qui est bonne mais un peu dure; elle offre très peu comme interprète et ses problèmes rythmiques ont donné du mal au chef invité Alain Trudel. Dans l'air de La Traviata, elle a buté sur «questo popoloso deserto che appellano Parigi». Il est vrai qu'elle n'est pas la seule!

Sidney Outlaw, troisième baryton et deuxième Américain de la soirée, fut assez impressionnant dans Mendelssohn - cette fois, version anglaise de Elijah - et a livré les mélismes de Handel avec souffle et précision. Mais la voix n'est pas vraiment belle, un peu nasillarde même, et son Verdi manquait de force dramatique.

Au programme ce soir: Yuri Gorodetsky, ténor, 29 ans (Biélorussie), Andréanne Paquin, soprano, 29 ans (Canada), Won Whi Choi, ténor, 31 ans (Corée du Sud), et Olga Kindler, soprano, 31 ans (Suisse).

____________________________________________________________________________

CONCOURS MUSICAL INTERNATIONAL DE MONTRÉAL. Discipline: chant. Épreuve finale, avec l'Orchestre Symphonique de Montréal. Dir. Alain Trudel. Maison symphonique, Place des Arts. Première séance hier soir.

Programme:

Emily Duncan-Brown, soprano, 26 ans (Canada)

John Brancy, baryton, 23 ans (États-Unis)

Philippe Sly, baryton, 23 ans (Canada)

Sidney Outlaw, baryton, 30 ans (États-Unis)