Ancien titulaire de l'OSM qui, lui aussi, partit en claquant la porte, Rafael Frühbeck de Burgos nous revient quand même occasionnellement, comme cette semaine. On ne s'en plaindra pas. Si son bref mandat de 1975-76 laissa peu d'impression, en revanche le musicien hispano-allemand est devenu, à 78 ans, un chef intéressant et un interprète sérieux.

Les meilleurs moments du présent concert sont d'ailleurs ceux où Frühbeck et l'OSM sont seuls en scène. L'entrée en matière trouve l'orchestre réduit «à la mozartienne» pour une ouverture des Nozze di Figaro brillante et expéditive où rien ne traîne. La Danse des sept voiles, de Salome, sert de prélude à la scène finale (voir plus loin à ce sujet). Frühbeck fait bouger et scintiller avec une frénésie diabolique l'orchestre augmenté cette fois à la grandeur de la scène.

L'après-entracte est occupé par la populaire Schéhérazade de Rimsky-Korsakov, dont les quatre tableaux totalisent 45 minutes. On aimerait un choix plus original - il existe tant d'oeuvres symphoniques qu'on ne joue jamais! -, mais la riche partition évocatrice produit toujours son effet et Frühbeck, dirigeant de mémoire, y amène l'orchestre tout entier à un réel sommet de virtuosité, de puissance, de chaleur et d'éclat. L'auditoire, en grande partie composé de nouveaux venus, applaudit le deuxième tableau (à ce compte-là, pourquoi pas le premier?), ce qui permet au violon-solo Richard Roberts d'accorder son instrument.

Fait à noter, M. Roberts joue presque toujours juste cette fois-ci. D'autres solos à signaler: les deux flûtes, le basson, la clarinette aussi. Robert Crowley, clarinette-solo, en est à ses dernières prestations, prenant sa retraite de l'OSM. Deux collègues en font autant: Rénald L'Archevêque, chef d'attaque des seconds-violons, et Dennis Miller, tuba-solo. La direction rend hommage aux trois vétérans avant le concert.

À l'entracte, un spectateur me montre son billet. Le concert porte un «titre», comme c'est la coutume à l'OSM. Cette fois, on y lit «Deborah Voigt: la passion de l'opéra allemand» et, à côté, le prix: 108,23 $. Je n'en crois pas mes yeux. Si j'avais déboursé une telle somme pour ce que j'ai entendu là, je tomberais malade.

La blonde Américaine s'était présentée à Lanaudière en 2005 avec les deux mêmes airs de Tannhäuser et de Fidelio, montrant déjà les signes d'épuisement vocal qu'elle éprouve encore aujourd'hui, à 51 ans. Son Wagner est nasillard et carrément laid. L'air de Beethoven est le cri d'une femme torturée; il illustre ici la tragédie d'une chanteuse aux prises avec une voix qui ne répond plus. La scène finale de Salome passe un peu mieux, quoique l'intonation y frise encore le quart de ton. Ou bien, c'est l'orchestre qui vient régler le problème en engloutissant complètement la voix.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Rafael Frühbeck de Burgos. Soliste: Deborah Voigt, soprano. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h, et diffusion en direct à Radio-Canada. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Ouverture de Le Nozze di Figaro, K. 492 (1786) - Mozart

Air d'Elisabeth: «Dich, teure Halle!», de Tannhäuser (1845) - Wagner

Air de Leonore: «Abscheulicher!», de Fidelio (1805-14) - Beethoven

Danse des sept voiles et Scène finale, de Salome (1905) - Strauss

Schéhérazade, op. 35 (1887-88) - Rimsky-Korsakov