Au début du concert - le dernier du NEM cette saison -, Lorraine Vaillancourt est venue au micro dire quelques mots. Madame la directrice-fondatrice aurait pu se contenter d'observer la salle à moitié remplie (et encore, de combien d'invités!) et, tout en se retournant vers ses musiciens, se demander pourquoi, encore une fois, il y avait si peu de monde au NEM. Plutôt, elle a déploré «l'ignorance et même le mépris» du gouvernement fédéral concernant la création artistique.

Un vieux refrain, du déjà-entendu. Sur le fond, Lorraine Vaillancourt a 100 pour 100 raison. Un gros bémol s'impose ici cependant. Ironie du sort, le mépris dont elle parle s'applique précisément à au moins une des trois créations inscrites au programme de ce concert, c'est-à-dire à cette totale nullité signée Yves Daoust.

Pendant 16 minutes, ce que l'ensemble instrumental joue sur scène se mêle à toutes sortes de bruits préenregistrés venant de partout autour de la salle: des échos de manifestations, des bribes de Beethoven et de Schubert, plusieurs voix en même temps, des phrases comme «Mon païre, lui, avait un orchestre de danse», un bout de la chanson Parlez-moi d'amour, bref, tous les vieux trucs faciles et éculés de l'électroacoustique, distorsion incluse. Loin d'avoir honte, l'auteur est monté sur scène, tout sourire. Dieu soit loué, il fut à peine applaudi.

Les deux autres créations sont au moins décentes. En 14 minutes, Brian Current produit un foisonnement de timbres confus débouchant sur une séquence terminale violente et en nette contradiction avec tout ce qui précédait. La pièce du nouveau venu Michaël Larocque reprend un autre vieux truc, celui du pianiste jouant dans les cordes du piano, et se ramène à 12 minutes de flux et reflux monochrome et finalement engourdissant.

Tout compte fait, le concert est sauvé par les pièces du début et de la fin, toutes deux de l'Allemand Wolfgang Rihm et totalisant 22 minutes. Le compositeur exploite ici le suraigu du piano et multiplie les notes répétées, percutées avec force, assignant au pianiste un rôle de soliste que Jacques Drouin défend avec son habituelle solidité. Le registre le plus élevé, voire le plus perçant, des autres instruments est également mis à contribution, ce qui produit dans certains cas un résultat proche de l'intolérable. Ou bien, c'est, à la grosse caisse, une sorte de cadence du plus prodigieux effet. Rihm nous donne ici une musique pleine d'idées, d'imprévu et même de silences chargés d'expression. Il y a des gens qui ont du talent, d'autres qui n'en ont pas...

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NOUVEL ENSEMBLE MODERNE. Dir. Lorraine Vaillancourt. Hier soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.

Programme:

Chiffre I (1982) - Wolfgang Rihm

Calme chaos
(2011-2012) (création) - Yves Daoust

À plus tard Pluton
(2012) (création) - Michaël Larocque

Strata II
(2012) (création) - Brian Current

Chiffre II
(1983) - Wolfgang Rihm