Confiés à un chef invité totalement inconnu, Aziz Shokhakimov, 23 ans, natif de l'Ouzbékistan, nos Musici offraient jeudi et vendredi soirs un programme entièrement composé d'arrangements pour orchestre à cordes.

Un même sujet, répondant au nom de Kreutzer, reliait les deux premières oeuvres: la Sonate pour violon et piano op. 47 de Beethoven, dite «à Kreutzer», du nom du violoniste français à qui le compositeur la dédia, et le premier Quatuor à cordes de Janacek, sous-titré Sonate à Kreutzer car il s'inspire du roman de Tolstoï, portant le même titre, dans lequel une femme est tuée par le mari qu'elle trompait avec un violoniste.

On ignore de qui est l'arrangement du Beethoven. On sait cependant que l'arrangement du Janacek est de Richard Tognetti, compositeur et chef de l'Australian Chamber Orchestra entendu il y a quelques années, sous sa direction, au Festival de Lanaudière.

La troisième oeuvre était l'orchestration bien connue, de Rudolf Barchaï, du plus célèbre des 15 Quatuors à cordes de Chostakovitch, le huitième. Étrangement, le programme imprimé ne faisait aucune mention de Barchaï et laissait même entendre que l'arrangement est de Chostakovitch. En fait, cette orchestration appartient à l'histoire des Musici: ils la jouèrent à leur tout premier concert, en 1984, la reprirent maintes fois et la portèrent au disque.

Les arrangements du Beethoven et du Janacek n'apportent rien aux originaux. Dans le Beethoven, les 15 cordistes se partagent indifféremment ce qui est destiné au violon et ce qui est destiné au piano, sauf dans quelques cas comme la deuxième variation du deuxième mouvement, déroulée «leggiermente» par le violon en triples croches. Les neuf violonistes du groupe y reprennent à l'unisson, jusqu'au suraigu, mais sans l'absolue précision requise, ce qui, dans l'original, est joué par un seul instrument.

L'arrangement du Janacek passe un peu mieux car plusieurs solos sont repris tels quels de l'original et de nouvelles couleurs ont été ajoutées. Ainsi, la contrebasse donne une étrange gravité à la petite phrase du violoncelle qui termine le deuxième mouvement.

Mais il s'agit de cas isolés. Le meilleur moment du concert reste le Chostakovitch-Barchaï. Le chef invité y est manifestement inspiré par l'orchestre, impressionnant de plénitude, et pour qui cette musique tragique est une sorte de seconde nature.    

Au début du concert, le violoncelle-solo, Alain Aubut, salua depuis la scène le fondateur des Musici, Yuli Turovsky, présent, avec sa fille Natasha, malgré la maladie et le deuil que l'on sait. Après le concert, musiciens et chef invité entourèrent M. Turovsky pour une séance de photos. Jeudi soir, M. Turovsky avait assisté au concert que son élève Stéphane Tétreault donnait avec l'Orchestre Métropolitain.

I MUSICI DE MONTRÉAL.

Chef invité : Aziz Shokhakimov. Vendredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.

Programme : arrangements pour orchestre à cordes

Sonate pour violon et piano no 9, en la majeur, op. 47 (À Kreutzer) (1803) - Beethoven, arr. anonyme

Quatuor à cordes no 1 (Sonate à Kreutzer) (1923) - Janacek, arr. Richard Tognetti

Quatuor à cordes no 8, en do mineur, op. 110 (1960) - Chostakovitch, arr. Rudolf Barchaï