Le hasard a voulu que l'OSM donne les deux Concertos pour violon de Prokofiev en l'espace de deux semaines, et dans un ordre inverse. Mardi dernier, Vadim Repin offrait du deuxième Concerto une interprétation dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle était nulle.

Hier soir, c'était Hilary Hahn dans le premier Concerto. Ce serait faire insulte à l'invitée de dire qu'elle fut supérieure à son aîné. N'importe quel bon élève de conservatoire aurait joué avec plus d'expression que le soliste de la semaine dernière.

Mince, très droite et totalement concentrée sur son instrument, la violoniste américaine de 32 ans a, de la première à la dernière note, et pendant 22 minutes, maintenu son Prokofiev au plus haut niveau, et ce, à tous les égards: articulation, justesse, beauté du son, musicalité, fidélité aux effets violonistes indiqués. Dans cette absolue réussite, il faut compter l'intense écoute du chef invité, Stéphane Denève, et des musiciens de l'orchestre, tous manifestement inspirés par leur géniale soliste.

Ovationnée et rappelée à grands cris, Hilary Hahn offrit un rappel qu'elle se garda bien d'identifier: de Bach, la Loure (sorte de danse lente à trois temps) de la troisième Partita pour violon seul, en mi majeur, BWV 1006.

Le chef invité ouvrait le concert avec un autre Prokofiev: la suite en six mouvements que le compositeur tira de son opéra L'Amour des trois oranges et qui contient la fameuse Marche maintes fois transcrite. Dutoit dirigea cette suite au moins trois fois, en 1991 et 1992, et Louis Lavigueur lui-même y entraîna son Orchestre des Jeunes en 2007. Pendant 16 minutes, il y a là surtout du tapage, mais c'est un beau tapage, et l'OSM s'y déploya avec énormément d'éclat. Il y a là aussi, à la cinquième pièce, un grand lyrisme, que le chef traduisit admirablement.   

L'OSM reprend le Concerto pour orchestre commandé à Ana Sokolovic et créé en 2007, cette fois dans le cadre de cet «Hommage» à la compositrice qui semble ne jamais devoir finir. Cette musique prend une nouvelle dimension sonore dans la nouvelle salle, mais l'oeuvre elle-même reste ce qu'elle était, c'est-à-dire n'importe quoi sauf un vrai concerto pour orchestre, comme l'est celui de Bartok, par exemple.   

La soirée finit sur La Mer de Debussy, que l'OSM a jouée un nombre incalculable de fois et qu'il reprendra encore la saison prochaine. Il serait temps de penser à autre chose, surtout que l'interprétation que propose M. Denève n'offre absolument rien d'original, sauf quelques beaux effets de lointain vers la fin.   

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Stéphane Denève. Soliste: Hilary Hahn, violoniste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Suite de concert de l'opéra L'Amour des trois oranges, op. 33b (1921-25) - Prokofiev

Concerto pour violon et orchestre no 1, en ré majeur, op. 19 (1917) - Prokofiev

Concerto pour orchestre (2007) - Sokolovic 

La Mer (1905) - Debussy