Chef attitré du Choeur du Conservatoire de Montréal, chef invité de l'Orchestre de cette institution et, depuis peu, Chevalier de l'Ordre national du Québec, Louis Lavigueur, C.Q., avait établi un programme original et audacieux pour ce concert pédagogique du week-end: les trois Nocturnes de Debussy, qui font partie du répertoire des plus grands orchestres, et la rare Petite Messe solennelle de Rossini, pour laquelle il avait invité les 175 jeunes choristes de l'école Joseph-François-Perrault à se joindre aux 58 du Conservatoire.

Dans le sanctuaire de l'église Saint-Jean-Baptiste, la masse chorale se déployait sur trois plans encerclant l'orchestre de 60 musiciens. Le spectacle était très impressionnant, tel quel, en noir et blanc. Un «responsable de l'éclairage» -on devrait plutôt dire irresponsable- s'est amusé, durant toute la soirée, à colorer tout ce monde de rouges, de bleus, de mauves et, pis encore, à baisser et à monter constamment l'éclairage, à le baisser surtout, rendant impossible la lecture des paroles imprimées dans le programme. Une représentante du Conservatoire a tenté à quelques reprises de mettre fin à cette indigestion de Technicolor, mais sans succès: notre apprenti sorcier courait toujours. Inutile de dire qu'à l'avenir, quelqu'un, quelque part, devra veiller à ce que cette folie ne se répète plus.

En ajoutant à cela l'entrée bruyante de retardataires et la gênante réverbération de l'église à moitié remplie, on aura une idée de l'inconfort au milieu duquel il fallut écouter les Nocturnes de Debussy, première pièce au programme. Eh bien! le petit miracle se produisit quand même. Encore une fois, Lavigueur réussit l'impossible et amena sa jeune troupe à une lecture immaculée de la très difficile partition, dans l'éclat comme dans la nuance. J'aurais simplement souhaité plus lointain, plus immatériel, le petit choeur de femmes en vocalises (sans paroles) de Sirènes, le troisième et dernier volet.

La Petite Messe solennelle suivit immédiatement, interrompue après le long Gloria pour 20 minutes d'entracte. En elle-même, l'oeuvre de Rossini totalisait 87 minutes. On l'entend habituellement dans sa version originale dite «de chambre»: choeur réduit, deux pianos et harmonium. Lavigueur avait choisi la version pour grand orchestre et choeur à l'avenant que prépara le compositeur, et à laquelle le qualificatif «petite» ne convient évidemment plus. Je dirais davantage : la musique reste la même, c'est-à-dire peu inspirée, mais ce qui était charmante naïveté dans l'original est maintenant étouffé par une transposition orchestrale qui nous plonge en pleine vacuité.    

Choeur et orchestre furent excellents. Là-dessus, rien à redire. Il faut même souligner la qualité exceptionnelle des cordes de l'orchestre et des soprani du choeur. Des quatre solistes, Geoffroy Salvas fut le seul à chercher quelque dimension dans ce qu'il chantait. La soprano chanta mieux à la fin qu'au début et la mezzo pousse une voix un peu éteinte. Tous trois sont des élèves de la maison. Aucun ténor des classes de chant n'étant disponible, on fit appel à un chanteur de l'extérieur, qui fut correct dans les passages «piano» mais inécoutable dans les «forte». Le Preludio religioso fut joué à l'orgue -et bien joué- par Olivier Lavoie-Gagné.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE ET CHOEUR DU CONSERVATOIRE DE MONTRÉAL et Choeur de l'école Joseph-François-Perrault (dir. Pascal Côté). Chef d'orchestre: Louis Lavigueur. Solistes: Odéi Bilodeau-Bergeron, soprano, Caroline Gélinas, mezzo-soprano, Thomas Macleay, ténor, et Geoffroy Salvas, baryton. Hier soir, église Saint-Jean-Baptiste; reprise auj., 14h30.

Programme :

Nocturnes (1900-1901) - Debussy

Petite Messe solennelle, pour quatre voix solistes, choeur et orchestre (1863-1867) - Rossini