Rossini compositeur d'opéra et Rossini gastronome réunis en un seul et même personnage: avec du talent, cette idée pouvait produire un spectacle absolument délicieux. Hélas! du talent, il n'y en a pas beaucoup dans ce prétendu Grand dîner.

J'ai déjà admiré le travail de Marie-Nathalie Lacoursière comme danseuse et chorégraphe. Mais l'opéra n'est manifestement pas son domaine. La langue française non plus. Madame parle de «mes nombreuses lectures» (!) mais écrit «la bonne chair» (depuis la petite école, tout le monde sait qu'il faut dire «la bonne chère») et vogue inconsciemment d'un «je me suis amusé» à un «je me suis permise d'utiliser...». Ouf!   

Son petit scénario en deux actes est plutôt confus. On voit d'abord Rossini à la fin de sa vie, devant les fantômes de son existence. Après l'entracte, un dîner l'attend dans un grand restaurant. Le même violent orage qui l'empêche de s'y rendre a aussi forcé un groupe de chanteurs à s'y arrêter. Le restaurateur, nul autre que le célèbre Marie-Antoine Carême, leur offre le repas à la condition qu'ils chantent.

La mise en scène est également de Mme Lacoursière. Tantôt elle est inexistante, tantôt elle semble improvisée. On voit un peu partout des gens dont on se demande ce qu'ils font là et qui, eux-mêmes, semblent se demander la même chose.

Les sept chanteurs de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal rassemblés là, en costumes (en fait six, plus un «invité»), sont simplement nommés au début du programme imprimé. Nulle part on ne précise qui chante quoi et nulle part on ne précise de quels opéras sont tirés les airs en question. On a beau chercher partout dans le programme: rien. À l'entracte, un représentant de l'OdM a reconnu qu'il s'agissait d'un «oubli». Drôle d'oubli, on en conviendra!   

L'ensemble de la participation est, à son mieux, ordinaire. Il y a là, tout à la fois, une certaine agilità rossinienne, des voix forcées et beaucoup d'approximation au niveau de la justesse. Or, cette musique, comme celle de Mozart, ne pardonne pas. De toute la soirée, le seul air qui soit chanté convenablement est celui, très ornementé, de Rosina dans Il Barbiere di Siviglia. La Cenerentola a une belle couleur de mezzo et le Figaro est assez bon comédien. Quant à la pianiste, plus la soirée avance, plus elle multiplie les fausses notes.

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ROSSINI ET SES MUSES - LE GRAND DîNER. Production: Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal/École nationale de théâtre du Canada. Salle Ludger-Duvernay du Monument-National. Scénario et mise en scène: Marie-Nathalie Lacoursière. Décors: Diana Uribe et Alain Jenkins. Costumes : Laurence Gagnon. Éclairages: Francis Hamel. Avec surtitres français et anglais. Première samedi soir. Autres représentations: les 13, 15 et 17 mars, à 19h30.