Pelléas et Mélisande est l'un des plus beaux opéras du répertoire - c'est aussi l'un de mes préférés, puis-je ajouter! - et il reçoit de l'Atelier d'opéra de l'Université de Montréal et de Jean-François Rivest et son Orchestre de l'UdM une réalisation absolument magnifique, dans le cadre du colloque monté pour souligner le 150e anniversaire de Debussy.

Précédé d'une brève et inattendue manifestation d'étudiants en grève (!), le spectacle - trois heures, y compris un entracte - a été longuement ovationné par une salle comble jeudi soir, à la première.

Pour diverses raisons (budgétaires notamment), il s'agit d'une version demi-scénique. Le château «très vieux et très sombre, très froid et très profond» que décrit le texte, de même que le paysage environnant comme la forêt où Golaud découvre Mélisande : tout cela est suggéré par de savants éclairages et par des déplacements des personnages en costumes sur le devant de la scène et jusque dans les loges latérales de la salle. Peu importe les moyens employés : on y croit.

Nos deux François -  Racine pour le jeu et le visuel, Rivest pour l'orchestre - ont réussi là un coup de maître. Rivest pousse l'orchestre de Debussy à son maximum, au point même d'engloutir parfois les chanteurs qui pourtant évoluent à l'avant-scène, les musiciens étant au fond. Pour l'orchestre, où se succèdent passion, inquiétude, suspense, tendresse, je donne 10 sur 10 : tous ces jeunes jouent Debussy avec une exactitude et un art incroyables.

On a prévu deux représentations, avec deux distributions pour les principaux rôles. Joseph Rouleau, qui fêtait ses 83 ans mardi dernier, a été invité à reprendre ici, les deux soirs, le rôle du vieux roi Arkel, grand-père de Golaud et de Pelléas. Rouleau projette une voix de basse aussi forte et timbrée qu'autrefois, son aisance en scène est absolue, son personnage est plein de bonté; on oubliera certains défauts de diction.

Jean-Philippe Fortier-Lazure est la révélation du spectacle : Pelléas jeune et naïf, voix claire et juste, diction parfaite, réel talent scénique. Carol Léger, bien qu'un peu effacée en Mélisande, joue et chante bien. Le Golaud de Julien Horbatuk manque de caractère et la voix n'est pas bien placée. Il passe quand même la rampe, tout comme la très digne Geneviève et le détestable petit Yniold, qu'on voudrait un peu plus engagés.

«PELLÉAS ET MÉLISANDE», drame lyrique en cinq actes (12 tableaux), texte de Maurice Maeterlinck, musique de Claude Debussy (1902). Production : Atelier d'opéra de l'Université de Montréal. Mise en scène et conception scénographique : François Racine. Costumes et accessoires : Carl Pelletier. Éclairages : Nicolas Descoteaux. Préparation musicale : Robin Wheeler et Francis Perron. Choeur et Orchestre de l'Université de Montréal. Direction musicale : Jean-François Rivest. Salle Claude-Champagne de l'UdM. Avec surtitres français et anglais. Première jeudi soir. Reprise samedi soir, 19 h 30.