L'arrivée d'Internet a causé bien des maux de tête aux grandes maisons de disques, confrontées à la problématique des téléchargements illégaux, mais elle a redonné un deuxième souffle à la musique classique, estime Angèle Dubeau.

«La musique classique se porte beaucoup mieux au Québec qu'il y a 35 ans. La diffusion de la musique se fait maintenant de façon beaucoup plus rapide. Ça va peut-être en étonner plusieurs, mais je vois très positivement l'arrivée d'Internet et du téléchargement», lance la violoniste.

«C'est sûr qu'en musique pop, on a eu beaucoup de téléchargement illégal, mais en musique classique, ça a été un peu plus respectueux à ce niveau-là», suggère Angèle Dubeau, qui célèbre cette année ses 35 ans de carrière.

Le président de la maison de disques indépendante de musique classique Analekta, François Mario Labbé, abonde dans le même sens. «De façon générale, c'est une clientèle démographique pour qui le produit est abordable. Et ça ne les intéresse pas de voler, de pirater», expose-t-il.

Analekta a pris le virage numérique il y a maintenant plus de huit ans, investissant des centaines de milliers de dollars afin de se positionner sur le marché. Son site Internet regorge de vidéos, de pistes audio et d'outils interactifs. Une application iPhone, téléchargée quelques dizaines de milliers de fois, a même été mise sur pied il y a deux ans.

«La portabilité l'a emporté sur la qualité. En musique classique, la clientèle de base était constituée de mélomanes «purs et durs» qui écoutaient la musique sur des systèmes de son valant 15 000$ ou 20 000$. Mais la clientèle change», fait valoir M. Labbé.

«Maintenant, il y a des gens qui veulent juste entendre la «toune', poursuit-il. S'asseoir devant un système de son et faire juste le geste d'écouter de la musique, ça n'existe plus, ou presque plus.»

Il y a cinq ans, la très sérieuse et très pointue pièce Caprice No. 9 de Locatelli pour violon solo d'Angèle Dubeau a été offerte gratuitement pendant une semaine à la boutique iTunes des États-Unis, relate M. Labbé.

«En cinq jours, il y a eu 96 500 téléchargements. C'est ça la force d'Internet», résume-t-il, assurant que les ventes de l'album Solo, sur lequel figure cette chanson, s'en sont ressenties.

En somme, autant François Mario Labbé que sa protégée, Angèle Dubeau, se réjouissent de voir que la musique classique est désormais aussi largement et efficacement diffusée.

Il faut cependant préciser que cela n'a jamais véritablement été un problème pour la violoniste âgée de 50 ans, qui a vendu plus de 500 000 disques en carrière et qui demeure à ce jour la seule musicienne classique canadienne à avoir reçu deux disques d'or.

Et même si la virtuose évoquera, lors d'une entrevue accordée jeudi à La Presse Canadienne, que l'un de ses rêves les plus fous est «d'avoir un peu de temps», elle ne semble pas sur le point de ralentir la cadence.

«Je constate qu'après tout ce temps, je suis aussi passionnée qu'au premier jour, et je trouve ça «le fun'. J'aime encore la scène. Je me suis toujours promis que j'arrêterais si je ne sentais plus cette petite flamme, cette poussée d'adrénaline avant de monter sur scène, mais je les ressens encore.»

La musicienne trépigne d'impatience à l'idée de passer des salles multifonctionnelles de la Place des Arts - les «grands garages», dira-t-elle - à celle de la Maison symphonique, où l'acoustique est reine.

«Dans les années 60 et 70, on a voulu faire des salles pour le cinéma, la musique pop, la musique classique avec des loges et des sièges confortables. On pensait à l'esthétique avant la base de tout, soit de penser à une boîte qui sonne bien. Après, on l'habille, mais on commence par penser à l'acoustique», déplore celle qui prêche bien entendu pour sa paroisse.

Angèle Dubeau se produira dans la nouvelle salle montréalaise le 28 février en compagnie de l'ensemble à cordes féminin qu'elle a fondé en 1997, La Pietà.

Des pièces du nouvel album d'Angèle Dubeau & La Pietà, Silence, on joue!, qui rassemble des musiques de films, seront notamment interprétées lors de ce concert, qui affiche déjà complet.

«J'ai hâte, parce que j'ai assisté à des concerts ici, mais là, je me retrouve sur scène. Je pense que Montréal était vraiment due pour se doter d'une salle comme ça, d'un bijou comme ça, alors c'est un grand plaisir.»

Elle sera évidemment accompagnée sur scène par son fidèle «Des Rosiers», le violon fabriqué en 1733 par Stradivarius qui la suit depuis maintenant 25 ans.

«C'est un objet, oui, mais c'est un objet que je chéris et qui fait partie de moi, c'est une prolongation de mes bras. Quand je joue du violon, je le sens vibrer. Quand on joue du violon, il y a une espèce d'osmose entre l'instrument et le musicien», dit-elle.

La tournée d'Angèle Dubeau & La Pietà s'amorcera le 26 février et prendra fin le 15 mai. Un saut au Palais Montcalm, à Québec, est prévu le 22 mars.