La bonne nouvelle s'accompagne de nostalgie et de déception. L'OSM retournait l'an dernier à la basilique Notre-Dame et y rétablissait le populaire Messie de Handel comme événement annuel de Noël. Cette année, l'audition est déplacée vers la nouvelle salle. Choix logique, sans doute. Pourtant, je regrette, comme bien d'autres, le cachet irremplaçable de Notre-Dame.

Il y a plus grave encore. L'OSM utilisait habituellement l'édition intime et chaleureuse de Watkins Shaw. Cette année, il choisit la réinstrumentation de Mozart. Quelles que soient les circonstances qui ont amené Mozart à cette «relecture» de Handel, il reste que l'auteur de tant de chefs-d'oeuvre dans tous les genres a signé là une aberration. Les Massin ont parfaitement raison: Mozart a «trahi» Handel.

Mozart n'a pas modifié la ligne vocale mais y a greffé une traduction allemande du texte original anglais. L'OSM donna cette version en 1991. En 1970, il avait donné son Handel-Mozart en anglais et fait de même cette année. Mais l'orchestration reste hélas! celle de Mozart: lourdement harmonisée par endroits, fantaisiste, frivole même, avec des flûtes et des bassons pour l'air d'entrée du ténor, le fréquent ajout des quatre voix solistes aux pages chorales, de sautillantes interventions des bois dans une page d'affliction comme «He was despised», l'emploi d'un cor pour «The trumpet shall sound», enfin une redistribution de plusieurs solos qui favorise abusivement la soprano.

Bref, un «arrangement» qui n'apporte rien au Messie, rien à la gloire de Mozart, et qu'on devrait oublier à tout jamais.

L'OSM a confié son Messie de 2011 à John Oliver, chef du Choeur du Festival de Tanglewood. La formation chorale est constituée de deux choeurs: celui de l'OSM et le Saint-Laurent, de Michael Zaugg. Étrangement, l'OSM a un nouveau chef de choeur, Andrew Megill, mais ce nom n'apparaît pas dans le programme, lequel donne plutôt M. Oliver comme «chef de choeur invité» autant que comme «chef d'orchestre invité».

Ce qui explique sans doute la prestation chorale d'une force et d'un éclat rarement entendus à l'OSM et en nette contradiction avec la gestuelle vague du chef de 71 ans qui monte avec difficulté au podium et bouge très peu devant l'orchestre de quelque 50 musiciens et le choeur de quelque 100 voix. On en conclut que tout a été réglé aux répétitions.

Les quatre solistes viennent de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. Choix très sage à tous égards : Le Messie fait salle comble sans vedettes étrangères, l'OSM fait ainsi des économies, ces jeunes prennent là de l'expérience et, par-dessus tout, forment un quatuor de premier ordre. La basse Stephen Hegedus chante avec l'autorité d'un professionnel et son exécution des mélismes est d'une rare précision. La soprano Lucia Cesaroni projette un beau timbre et chante avec sincérité. À surveiller chez elle : un léger chevrotement et la vilaine habitude, quand elle attend son tour, de jeter des regards partout autour d'elle. Belles voix et beau style chez le ténor Isaiah Bell et chez la mezzo Emma Parkinson.

Selon la tradition, l'auditoire entier se levait autrefois pour le fameux choeur Hallelujah!, qui termine la deuxième des trois parties. Cette fois, on n'en voit se lever que la moitié.

La partition est donnée intégralement et totalise deux heures et demie, entracte et pause compris. L'édition Mozart compte un seul numéro pour un récitatif et l'air qui suit, ce qui explique qu'elle comprend 38 numéros par rapport aux 53 des éditions courantes.

«MESSIAH», oratorio en trois parties, texte anglais de Charles Jennens d'après la Bible, musique de George Frideric Handel, HWV 56 (1742). Réinstrumentation de Wolfgang Amadeus Mozart, K. 572 (1789).

Orchestre Symphonique de Montréal, Choeur de l'OSM et Choeur Saint-Laurent (dir. Michael Zaugg). Chef invité : John Oliver. Solistes : Lucia Cesaroni, soprano, Emma Parkinson, mezzo-soprano, Isaiah Bell, ténor, et Stephen Hegedus, basse. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise jeudi, 19 h 30.