Le programme imprimé rappelle qu'Hélène Grimaud fait dans les bonnes oeuvres: les loups, les enfants, Amnistie internationale. Une bonne personne. Bravo.

Ce très médiatisé côté caritatif explique sans le moindre doute la salle presque comble qui l'accueille à la Maison symphonique, devenue pour un soir Maison pianistique, où les travaux ont repris de plus belle, odeur de peinture comprise.

Invitée par l'OSM-imprésario, la frêle et blonde Française de 42 ans, qui se présente en pantalon, donne en effet le premier récital de piano du nouveau lieu. Une bonne personne, certes. Mais c'est une grande pianiste que je veux entendre et, une fois de plus, il faut classer à «déception». Car ce n'est pas la première fois qu'Hélène Grimaud se produit ici et, j'en ai bien peur, pas non plus la dernière.

Dans le Mozart d'entrée, l'indication «maestoso» au premier mouvement est complètement ignorée: la pianiste expédie le morceau comme pour en finir au plus vite. Elle fait bien ressortir la main gauche cependant et son mouvement lent est assez senti. Mais le Presto final est inutilement pressé, avec, au surplus, de l'instabilité rythmique dont Mozart n'a vraiment pas besoin.

Un employé de scène vient solennellement greffer le vaste lutrin au clavier. Car la pianiste va jouer la Sonate de Berg avec son cahier... et un tourneur de pages. Douze minutes de méandres pianistiques, j'en conviens. Mais tout le monde réussit à jouer cela par coeur... sauf Mme Grimaud. Je ne lui reprocherai pas sa prudence car c'est ce qu'elle a fait de mieux de toute la soirée, soulignant les trois thèmes avec un lyrisme qui confirme le côté romantique de ce disciple du dodécaphonique Schoenberg.

On retombe à zéro avec la Sonate en si mineur de Liszt. Trente minutes de chef-d'oeuvre absolu, ramenées à un minable exercice d'école: aucune conception d'ensemble, jeu souvent très dur, rubatos maladifs, fausses notes dans les octaves, confusion, instabilité rythmique (encore!)... Et pourtant, la foule, debout, crie son bonheur. N'a-t-elle donc jamais entendu le génial Brendel - et quelques autres - dans cette oeuvre magistrale?

Peu douée pour construire un programme équilibré, la pianiste conclut avec ces banales Danses roumaines de Bartok qu'on peut, à la rigueur, offrir une à une comme rappel. Ici encore, le niveau du jeu est celui d'une élève.

Puisqu'on parle de rappel, la pianiste en accorde deux, qu'elle ne daigne pas identifier. Pour ceux que la chose intéresse: a) Danse des esprits bienheureux, de l'Orphée et Eurydice de Gluck, arrangement de Sgambati; b) l'une des Trois nouvelles études de Chopin, celle en fa mineur.

HÉLÈNE GRIMAUD, pianiste. Samedi soir, Maison symphonique de Montréal. Présentation: OSM. Programme: Sonate no 8, en la mineur, K. 310 (1778) - Mozart Sonate op. 1 (1907-08) - Berg Sonate en si mineur, S. 178 (1852-53) - Liszt Six Danses populaires roumaines, Sz. 56 (1915) - Bartok