Sir Roger Norrington entre en scène dans un accoutrement qui le fait ressembler à Léo Ferré et annonce, dans un très bon français puis en anglais, qu'il a modifié l'ordre du programme, qu'on entendra d'abord le premier Concerto de Beethoven, que l'ouverture de The Wasps de Vaughan Williams est renvoyée à la toute fin du concert, comme «bis» après A London Symphony du même V.W., et que, «comme à l'époque de Beethoven», le pianiste jouera dos au public, au milieu de l'orchestre réduit.

Une seule exception, ajoute le chef britannique de 77 ans: «Il n'y avait pas, alors, de chef d'orchestre, mais ce soir, il y en aura un!» Rires de la salle presque comble. Et ricanements du maestro, qui lance: «Amusons-nous!».

On n'a donc rien vu (ou si peu!) du visage et des mains de Leif Ove Andsnes, alors que Sir Roger, debout derrière le piano, dirigeait face au public, sans baguette, sans partition, et avec des signes si vagues que le pianiste aurait pu se charger lui-même de cette mince tâche, comme cela se fait couramment.

La réduction des effectifs et du vibrato chez les cordes permet de mieux entendre les vents. Pour le reste, rien de nouveau. Le pianiste norvégien de 41 ans traverse la partition sagement, impeccablement, mais n'y apporte aucune imagination et s'en tient aux cadences de Beethoven.

En fin de compte, le concert se ramène à l'après-entracte. A London Symphony mêle habilement folklore anglais et bruits de la vie quotidienne dans la capitale britannique. Cela commence et finit dans une douceur proche du silence; entre ces deux extrêmes, l'orchestre s'agite, multiplie les traits de virtuosité, explose même, et fait intervenir plusieurs premier-pupitres. Ici, mention au cor-anglais de Josée Marchand (qui remplace pour l'instant Pierre-Vincent Plante), au violon d'Olivier Thouin, au basson de Stéphane Lévesque, à l'alto de Neal Gripp. Tous se détachent d'un OSM parfaitement équilibré que le chef invité fait sonner comme une formation de toute première grandeur.

Les neuf minutes de The Wasps n'ajoutent rien. Une précision concernant la symphonie : comme dans son enregistrement de 1996 avec le London Philharmonic, Sir Roger utilise la révision finale de 1933, qui fait 46 minutes, alors que l'original de 1913, choisi par Richard Hickox, en totalise 61. Mieux encore: 15 ans plus tard, avec l'OSM, le chef invité confère à l'oeuvre plus de force et d'expression qu'avec l'orchestre londonien.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Sir Roger Norrington. Soliste: Leif Ove Andsnes, pianiste. Hier soir, Maison symphonique de Montréal; reprise ce soir, 20h. Série «Grands Concerts».

Programme:

Concerto pour piano et orchestre no 1, en do majeur, op. 15 (1797-98) - Beethoven

A London Symphony (Symphonie no 2) (1913, rév. 1933) - Vaughan Williams

Ouverture de la musique de scène de The Wasps (1909) - Vaughan Williams