Alan Gilbert est-il un grand chef d'orchestre? Je posais la question après le premier des deux concerts que le New York Philharmonic donnait à Montréal ce week-end avec cet obscur nouveau venu qui le dirige depuis deux ans.

Ce que M. Gilbert a fait - ou plutôt n'a pas fait - de la troisième Symphonie de Brahms me donne un début de réponse. Et la réponse, c'est non. L'explication sera aussi brève que possible. Un enveloppant lyrisme caractérise les quatre Symphonies de Brahms, et notamment la troisième. Il faut y faire chanter les cordes et tout l'orchestre en même temps, comme en musique de chambre. De grands chefs nous ont livré cette magnifique leçon sur de précieux documents sonores heureusement encore accessibles.

M. Gilbert a un superbe instrument à sa disposition. Il n'en tire rien. Il multiplie les grands gestes de tous côtés, mais sans résultat. Cet après-midi, il dirigeait de mémoire. Hier, je lui reprochais d'avoir la partition devant lui. Qu'il continue donc à diriger avec le texte: il pourra ainsi se rappeler tout ce que ce texte contient.

Pour résumer: une Troisième de Brahms inexistante. De toute ma vie, je ne me rappelle pas un Brahms aussi ennuyeux. Abordant cette musique, nos Nézet-Séguin, Rivest et autres sont allés beaucoup plus loin. Nagano lui-même n'aurait jamais signé une chose pareille.

La première partie du programme n'était pas celle que l'OSM, présentateur de l'orchestre américain, avait toujours annoncée. J'ai signalé cette irrégularité dans un premier article et n'y reviens pas.

M. Gilbert entre en simple complet de ville, alors que tous ses musiciens (les hommes, bien sûr) portent la queue-de-pie, même l'après-midi. Il a opté pour le «par coeur» dès le Schubert d'entrée, cette Rosamunde qui réduit l'orchestre de moitié et demande peu au chef. Ici, aucun problème.

Requérant le même demi-orchestre, le Concerto pour flûte et harpe de Mozart a manifestement été programmé pour Robert Langevin, cet ex-Montréalais devenu il y a 10 ans flûte-solo de l'orchestre américain. Sa partenaire est Nancy Allen, harpiste de l'orchestre depuis un peu plus longtemps. Cet interminable concerto -- qui faisait 28 minutes, avec ses trois cadences pour les deux solistes -- n'est pas du plus grand Mozart; seul le mouvement lent retient l'attention. M. Langevin et Mme Allen l'ont cependant bien joué. Surtout M. Langevin, qui sait conjuguer précision et souplesse. On ne peut en dire autant du maestro.

NEW YORK PHILHARMONIC

Chef d'orchestre: Alan Gilbert. Solistes: Robert Langevin, flûtiste, et Nancy Allen, harpiste. Samedi après-midi, Maison symphonique de Montréal, Place des Arts. Présentation: Orchestre Symphonique de Montréal.

Programme:

Ouverture de Rosamunde, D. 644 (1820) - Schubert

Concerto en do majeur pour flûte, harpe et orchestre, K. 299 (1778) - Mozart

Symphonie no 3, en fa majeur, op. 90 (1883) - Brahms