L'année du bicentenaire de la naissance de Franz Liszt tire à sa fin et Kent Nagano et l'OSM n'ont encore presque rien fait pour marquer cet anniversaire célébré à travers le monde. On invite Marc-André Hamelin pour trois concerts et, du même coup, on rate une occasion en or.

Hamelin est maintenant reconnu comme l'un des plus grands virtuoses actuels du piano. On aurait pu lui confier les deux grands Concertos du compositeur fêté ou puiser à ses autres oeuvres pour piano et orchestre, la spectaculaire Totentanz, par exemple. Plutôt, on lui assigne deux oeuvres françaises de la fin du XIXe siècle: la Ballade de Fauré (dans la version avec orchestre) et les Variations symphoniques de Franck. Ces pages sont, il est vrai, rarement jouées, et le choix, comme tel, se défend. N'empêche, Liszt a été oublié, et c'est grand dommage, surtout que l'homme de la situation était là.

La Ballade de Fauré est surtout connue dans la version originale pour piano seul. Très peu jouée, la version concertante maintient le piano au premier plan et sollicite peu l'orchestre. Du reste, celui-ci se tait souvent pour laisser toute la place au piano. Les Variations symphoniques de Franck offrent un meilleur équilibre entre piano et orchestre. L'oeuvre, en trois parties enchaînées mais contrastantes, peut être considérée comme un concerto.

Hamelin est là, mais le virtuose flamboyant a pris congé. Le Fauré et le Franck mettent en valeur d'autres facettes, plus délicates et plus intimes, plus à découvert aussi, de la virtuosité pianistique. D'une certaine façon, cette musique est aussi difficile à jouer que celle de Liszt, précisément. Et Hamelin, virtuose jusqu'au bout des ongles, traverse ces oeuvres avec la plus parfaite aisance et, en même temps, une musicalité de tous les instants.

Nagano et l'OSM dialoguent avec lui sur la même longueur d'onde. La cinquième Symphonie de Schubert et l'unique Symphonie de Bizet forment une sorte de complément improvisé autour de la double participation de Hamelin. Les deux oeuvres n'inspirent manifestement pas outre mesure notre maestro, dont la gestuelle se limite généralement à d'élégants saluts ou à de vagues signes d'aller à droite ou à gauche. Résultat : des lectures en place, mais ternes.

L'exécution systématique de toutes les reprises produit cette fois encore un concert trop long: on ferme à 22 h 20. L'inutile petit Boulez pour six instruments (sommes-nous bien à l'OSM?) n'est pas en cause puisqu'il dure cinq minutes. En fait, sept puisqu'il est précédé d'un «mot» de Nagano.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Marc-André Hamelin, pianiste. Hier soir, Maison symphonique de Montréal, Place des Arts. Reprise ce soir, 20 h («Grands Concerts»), et dimanche, 14 h 30 («Dimanches en musique»).

Programme :

Symphonie no 5, en si bémol majeur, D. 485 (1816) - Schubert

Dérive 1, pour six instruments (1984) - Boulez

Ballade en fa dièse majeur, pour piano et orchestre, op. 19 (1879-81) - Fauré

Variations symphoniques, pour piano et orchestre (1885) - Franck

Symphonie en do majeur (1855) - Bizet