L'Orchestre de chambre Appassionata comptait 30 musiciens pour le concert inaugurant hier soir le 13e Festival Orgue et Couleurs, ce qui justifiait son fondateur et chef Daniel Myssyk d'avoir abandonné, le printemps dernier, l'ancien et plus modeste nom d'Ensemble instrumental Appassionata.

Comme c'est la coutume chez nos autres orchestres à cordes (Musici, McGill), Appassionata avait puisé ailleurs, et principalement chez nos différentes formations locales (Métropolitain, Molinari, Pentaèdre), les cordes supplémentaires, bois, cuivres et timbales requis par les oeuvres présentées.

Daniel Myssyk avait centré son programme sur Haydn: premier Concerto pour violoncelle, Symphonie no 92, appelée Oxford sans qu'on sache exactement pourquoi. Exceptionnellement, M. Myssyk faisait précéder les deux Haydn d'une pièce québécoise faisant appel à son seul noyau de cordes: le Scherzo du regretté André Prévost, qui fait un peu partie de notre histoire musicale locale puisqu'il figurait au tout premier concert des Musici de Yuli Turovsky, le 8 novembre 1984, au Redpath Hall de McGill.

Passant de l'intimité de Redpath à la vaste nef réverbérante de la Nativité d'Hochelaga, la pièce de six minutes prenait, dans son ensemble et dans ses détails, une dimension sonore insoupçonnée et quasi symphonique. La veuve du compositeur était présente dans l'assistance de 220 personnes, de même que diverses personnalités comme l'ancien premier ministre Bernard Landry, grand admirateur d'Appassionata.

Myssyk et l'orchestre attaquèrent ensuite le premier Concerto pour violoncelle de Haydn à un tempo beaucoup trop rapide pour le «Moderato» qu'indique la partition. «J'ai suivi le tempo choisi par le soliste», d'expliquer le chef à l'entracte. Yegor Dyachkov traversa le concerto avec la maestria d'un soliste de première grandeur. L'interprète tira une expression profonde du mouvement lent et, au finale, le virtuose en rajouta une fois encore en transformant l'«Allegro molto» en «Presto». J'écoutais, médusé, me demandant s'il est possible de jouer du violoncelle plus vite que cela!

La plupart des violoncellistes s'accordent pour dire que les deux Haydn, le Do majeur et le Ré majeur, sont les plus atrocement difficiles de tous les concertos destinés à leur instrument; ils hésitent simplement à déterminer lequel des deux est le plus redoutable... Par son tempo précipité, mais aussi par l'incroyable précision de son articulation, en dépit de cette vitesse casse-cou, Yegor Dyachkov a peut-être répondu à la question. Myssyk et l'orchestre le suivirent sans trop de peine.

Ovationné, M. Dyachkov ajouta la Sarabande de la quatrième Suite pour violoncelle seul de Bach.   

Après l'entracte, M. Myssyk et l'orchestre offrirent une belle lecture de la Oxford. Ma dernière expérience en concert de cette oeuvre remonte à 2005: Labadie et ses Violons du Roy, dans une exécrable version «à la baroque». M. Myssyk se contente de diriger simplement, et avec musicalité, ce qui est écrit. Il fait toutes les reprises sans exception; à la toute fin, il en fait même une qui ne figure ni dans l'édition Kalmus, ni dans l'édition Eulenburg. Par ailleurs, au premier mouvement, Kalmus indique aux violons des staccatos qui ont disparu chez Eulenburg... Rien de dramatique, mais de tels détails se perdaient dans la réverbération - réelle, bien que non excessive - de l'église.

ORCHESTRE DE CHAMBRE APPASSIONATA. Chef d'orchestre: Daniel Myssyk. Soliste: Yegor Dyachkov, violoncelliste. Vendredi soir, Église de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge-Marie, d'Hochelaga. Festival Orgue et Couleurs.

Programme:

Scherzo pour cordes (1960) - Prévost

Concerto pour violoncelle et orchestre no 1, en do majeur, Hob. VIIb:1 (1761) -Haydn

Symphonie no 92, en sol majeur, Hob. I:92 (Oxford) (1788) -Haydn