Kent Nagano a eu une petite pensée pour les mélomanes de demain en cette semaine où est inaugurée la toute nouvelle Maison symphonique. Hier après-midi, l'Orchestre symphonique de Montréal et son chef proposaient un concert «familial», c'est-à-dire conçu dans le but d'intéresser les enfants et les jeunes adolescents. Trois oeuvres étaient au programme : le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, Pierre et le loup de Prokofiev et La boîte à joujoux de Debussy.

Maestro Nagano, qui dirigeait pour la première fois un concert destiné à un jeune public à Montréal, avait demandé du renfort pour séduire son auditoire. Pour le Saint-Saëns, il a fait appel à deux pianistes adolescentes, Annie Zhou et sa propre fille (Karin Kei Nagano). Pierre et le loup a bénéficié d'une narration de la comédienne Anne Dorval - qui s'est acquittée de sa tâche avec un plaisir communicatif -, alors que les «joujoux» de Debussy ont été incarnés par de jeunes danseurs de l'École supérieure de ballet du Québec.

L'assistance est restée attentive longtemps, d'ailleurs, et a manifesté son enthousiasme à la fin de presque chaque mouvement. Il n'y avait personne pour s'en formaliser, évidemment. Sur le plan du décorum, se tenir à peu près droit et à peu près silencieux est le maximum qu'on peut exiger des enfants qu'on amène au concert. Et c'est très bien comme ça.

Des trois oeuvres au programme, les deux premières se seraient visiblement disputé la faveur du public si on lui avait demandé de voter. Le bestiaire musical de Saint-Saëns, qui évoque certains animaux (poule, coq, kangourou, coucou, etc.), un foisonnant aquarium ou une volée d'oiseaux, est d'une variété et d'une expressivité captivantes qui n'a pas manqué de séduire. Encore plus ludique, Pierre et le loup possède de surcroît un côté subtilement pédagogique dans sa manière d'associer de manière très claire un instrument et un thème à chacun des personnages. Difficile de trouver meilleure introduction à la «grande musique», trop souvent taxé d'élitisme.

Moins vif et animé que les autres oeuvres au programme, le Debussy, a aussi un peu souffert de la fatigue des jeunes spectateurs qui, après environ une heure de concert, commençaient à manquer de concentration. Les amusantes chorégraphies de Mário Radachovsky ont néanmoins fait naître bien des sourires et même quelques éclats de rire... sauf chez les spectateurs placés derrière l'orchestre qui ne voyaient les danseurs que de dos.

Tateo Nakajima, le principal architecte sonore de la Maison symphonique, arpentait encore la salle, hier, et a écouté une bonne partie du programme à la corbeille. Peut-être en testait-il encore l'acoustique de ses oreilles expertes. Le profane, lui, ne trouve rien à redire sur ce plan. La musique voyage avec un naturel réjouissant dans cet élégant écrin de bois et la proximité avec l'orchestre est tout à fait stupéfiante. Et ça, parions que même les enfants l'ont ressenti.