C'est avec un bonheur non feint que Kent Nagano consacrera toute son énergie cette semaine au Festival Orford et à son académie musicale. Par sa venue en Estrie, le chef de l'Orchestre symphonique de Montréal réalise un vieux rêve d'étudiant.

«Le Quatuor à cordes Orford était l'ambassadeur du festival lorsque j'étais étudiant à l'Université de la Californie. Il était venu donner un concert sur le campus. Mes amis et moi avions été renversés par cette performance, ce qui m'avait donné une grande envie d'assister au festival. Je crois que c'était vers la fin de l'incroyable période de Gilles Lefebvre (1951-1972), un grand visionnaire», se rappelait le maestro en entrevue téléphonique, cette semaine, entre deux répétitions de l'Opéra national de Bavière au Festival de Munich.

Désargenté à l'époque, le jeune Nagano avait dû mettre de côté ses ambitions de venir écouter des concerts dans la nature du parc national du Mont-Orford. «Mes finances m'empêchaient de faire le trajet à partir de la Californie.» Mais ce n'était que partie remise: la prochaine semaine de ce 60e du Festival Orford s'intitule L'OSM et Kent Nagano.

Après la dernière représentation de Tristan et Iseult demain dans la capitale bavaroise, le chef d'orchestre traversera l'Atlantique pour mettre le cap sur l'Estrie en vue d'une semaine plutôt costaude.

À son horaire, tout d'abord un grand concert de musique de chambre au Centre d'arts Orford mercredi. Le lendemain, à l'église Saint-Jean-Bosco de Magog, il dirigera l'Orchestre de l'Académie Orford dans le ballet Petrouchka de Stravinski.

Enfin, le chef sera aux commandes de l'Orchestre symphonique de Montréal, vendredi soir au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke, pour une soirée intitulée Voyage au coeur de la nature. Les Sherbrookois auront ainsi droit en grande première à un concert préparé pour le Festival d'Édimbourg, la semaine suivante.

Comment expliquer un tel engagement du maestro envers Orford malgré un agenda qu'on imagine surchargé?

«Orford est l'un des beaux endroits géographiques que je connaisse. Je ne peux pas imaginer une meilleure place pour jouer un concert consacré à la nature, surtout dans le contexte d'un festival estival, toujours spécial et joyeux», répond-il, en ajoutant qu'il est dans la nature même de l'OSM d'aller à la rencontre «des gens qui ne peuvent se rendre à la Place des Arts».

Du même souffle, Kent Nagano confie sa forte envie de soutenir la tradition musicale de l'endroit dont il rêvait dans sa chambre d'étudiant.

Une salle pour tous

Kent Nagano n'a pas oublié ses premières années musicales et c'est pourquoi il place la jeunesse au coeur de ses préoccupations. Il compte s'assurer que la prochaine génération de mélomanes se sente la bienvenue dans la nouvelle maison de l'OSM.

Il dirigera d'ailleurs lui-même, pour la première fois, une matinée jeunesse dans la foulée de l'inauguration, le

11 septembre. Avec une narration d'Anne Dorval, Kent Nagano présentera Le carnaval des animaux (Saint-Saëns), Pierre et le loup et La boîte à joujoux.

«C'est essentiel que notre message soit clair dès l'ouverture: cette salle appartient à toute la communauté québécoise, pas uniquement à un petit groupe de connaisseurs très éduqués. Elle a été construite dans la tradition européenne où la salle de concert est un point de rencontre pour la société», souligne-t-il.

C'est dans cette philosophie que les salles à Paris, Munich, Berlin, Londres, New York ou encore Vienne ont été justement érigées, ajoute-t-il.

«Une salle n'est pas seulement un endroit où l'on vient écouter un concert. On vient pour échanger des expériences et communiquer des émotions avec d'autres gens , croit-il fermement. Cela inclut le grand public, mais surtout le public qui va venir demain. C'était important de donner ce signal clair, et je tenais à le faire personnellement.»

Les musiciens et la communauté montréalaise attendent depuis plus de 25 ans une véritable salle de concert, rappelle Nagano. Si la salle Wilfrid-Pelletier a bien servi l'OSM au fil du temps, elle n'était certainement pas conçue pour la musique symphonique, et encore moins pour la musique de chambre.

«L'acoustique spécifique de la nouvelle salle de concert rehaussera l'expérience musicale», assure le chef.

Au cours des derniers mois, l'OSM a multiplié les conférences de presse dans les grandes villes d'Europe «pour propager la bonne nouvelle», comme dit Kent Nagano. «Pour le moment, en France, en Allemagne et en Angleterre, tout le monde parle de Montréal.»

Construite au coût de 259 millions, la nouvelle salle de l'OSM sera inaugurée le 7 septembre prochain.

Le Festival Orford se poursuit jusqu'au 14 août. Information: www.arts-orford.org