Après une avant-première plutôt intime mercredi soir, le grand événement d'ouverture du neuvième Montréal Baroque remplissait la vaste Salle de la Commune du Marché Bonsecours jeudi, en début de soirée. D'autres événements étant inscrits à cet endroit peu fréquenté, il faut se rappeler que l'accès direct ne s'y fait pas par la rue Saint-Paul mais par l'arrière de l'édifice, au 323 rue de la Commune Est.

Au programme jeudi: le Ballet royal de l'Impatience, de Lully. Les «sept péchés capitaux» -thème choisi par Susie Napper pour son festival cette année- sont illustrés ou suggérés dans cette suite de 54 numéros joués, dansés et chantés (en français, bien sûr, mais aussi en italien) et totalisant une heure et quart sans entracte.

Pourquoi «royal»? Sans aucun doute parce que Louis XIV lui-même joua et dansa trois rôles lors de la création, en 1661. Pourquoi «impatience»? Et quel rapport avec les «péchés capitaux»? Le musicologue François Filiatrault donne la réponse en page 12 du programme: «Le sujet (ici) est la hâte qui nous habite dans diverses situations de la vie.» En effet, on y voit des amoureux anxieux d'aller retrouver leurs belles, des jeunes pressés de toucher l'héritage de leur père, des gloutons qui, ne pouvant plus attendre pour manger, se brûlent les lèvres.

Que d'autres cas soient moins évidents, peu importe. Il faut prendre ce divertissement pour ce qu'il est, avec ses excès et ses imprécisions. Ce qui compte, c'est le résultat, impressionnant mélange d'élégance et de comédie.

On imagine facilement la production fastueuse qui accompagna la création de ce Ballet royal. Montréal Baroque, 350 ans plus tard, tient compte de ses moyens limités, stylise aussi, à la moderne, et signe une présentation en partie artisanale mais pleinement convaincante.

Le spectacle se déroule sur une scène de fortune, devant une toile de fond bien sommaire, et on ne voit guère l'excellent petit orchestre, placé dans une galerie surplomblant l'auditoire. On fait vite abstraction de ce contexte. L'espace est presque continuellement occupé par la jeune troupe de danse baroque que Marie-Nathalie Lacoursière a baptisée d'un nom un peu précieux mais convenant tout à fait au sujet: Les Jardins Chorégraphiques. Spécialiste du genre, la belle et grande danseuse blonde s'y produit avec trois filles et un garçon. Tous en jupes blanches, ils sont coiffés différemment et de façon souvent extravagante, selon les situations. Individuellement et collectivement, la précision technique, le geste naturel et le raffinement observés ici sont pure merveille. Sans parler de l'immense travail que représentait la mémorisation de cette infinité de mouvements. Quel talent!

Même observation chez les quatre chanteurs, dont la brillante soprano Pascale Beaudin. Tous excellents eux aussi, surtout qu'ils devaient également être acteurs et mimes.

Une mention toute spéciale va au chanteur-comédien Isabeau Proulx-Lemire, en Maître de cérémonies annonçant les différents tableaux du haut de sa voix, en ancien français, et avec, chaque fois, le même irrésistible à-propos. Révélation de la Fledermaus de l'UdM il y a quelques années, ce garçon exceptionnellement doué fut l'une des vedettes de cette soirée de Montréal Baroque.

BALLET ROYAL DE L'IMPATIENCE, livret d'Isaac de Bensérade et de l'abbé Francesco Buti, musique de Jean-Baptiste Lully (1661). Les Jardins Chorégraphiques et La Bande Montréal Baroque. Chorégraphie et mise en scène: Marie-Nathalie Lacoursière. Décors: Caroline Guilbault. Costumes: Anna-Marie Champagne et Marc Sénécal. Direction musicale: Noam Krieger. Jeudi soir, Salle de la Commune du Marché Bonsecours. Dans le cadre du Festival Montréal Baroque.