Un peu plus d'un quart de siècle après sa fondation par le dévoué Yuli Turovsky, I Musici de Montréal entrera bientôt dans une nouvelle phase de son histoire avec un nouveau chef. Jeune et énergique, Jean-Marie Zeitouni veut amener la formation vers de nouveaux horizons au cours des prochaines années.

«J'ai des projets en tête et on a déjà commencé à en discuter, dit-il. Je souhaite agrandir le répertoire, diversifier la programmation et faire prendre à I Musici une plus grande place sur la scène montréalaise. Nous allons travailler du répertoire que l'orchestre n'a jamais abordé. Je dois encore prendre conscience des budgets pour voir à quel rythme cela pourra se faire.»

Impossible, toutefois, de lui soutirer davantage d'indices quant à ce répertoire inexploré! «Il ne faut pas oublier que ma première saison complète avec eux commencera à l'automne 2012», dit-il.

On pourra toutefois avoir un aperçu de l'avenir dans la programmation de la prochaine saison, annoncée aujourd'hui, et à laquelle il a ajouté son grain de sel. Au cours de la saison 2011-2012, il dirigera seulement trois programmes, tandis que les autres seront confiés à des chefs invités.

Sur le plan du son, avec un nouveau chef vient forcément une nouvelle approche.

«I Musici est un groupe qui a déjà beaucoup de qualités et une personnalité forte, dit-il. J'ai également une personnalité forte, et ça me fait plaisir de leur laisser de la place, mais quand j'entends du répertoire, que ce soit classique, baroque ou romantique, j'ai dans la tête et dans l'oreille une certaine sonorité et une certaine approche du phrasé. Quand on a donné un concert ensemble au printemps dernier, on avait déjà commencé à travailler dans cette direction. On a fait des choses assez différentes de ce à quoi ils étaient habitués. Ce sont des gens qui aiment travailler dans les détails et la subtilité, et ça tombe bien, car c'est ce que j'ai envie de faire.»

Columbus

Ce vent de changement - appelons-le «l'effet Zeitouni» - se fait déjà sentir avec le Columbus Symphony, dont il a pris les rênes il y a à peine sept mois. Musiciens et observateurs s'entendent pour dire qu'il est en train d'amener l'orchestre «ailleurs», et pour le mieux, peut-on lire dans la presse locale.

«Columbus a un orchestre qui joue très bien, mais qui manquait de variété dans le son; c'était trop uniforme, dit-il. J'avais envie que l'on joue davantage en tenant compte des particularités de chaque compositeur, et de créer des sonorités caractéristiques en fonction du répertoire. Par exemple, avec la musique française, en allant chercher un jeu plus cristallin, plus transparent.»

Cette justesse dans l'approche des styles, Jean-Marie Zeitouni veut y travailler aussi avec les Musici, d'autant plus qu'un orchestre de chambre permet plus de latitude. «Quand on est 15 ou 20, il y a beaucoup plus de place pour discuter et plus de temps de répétition pour fignoler que quand on est 100.»

Nouvelle génération de chefs

Le rôle de chef, aujourd'hui, est fort différent de ce qu'il était il y a 40 ans. L'autoritarisme ne fonctionne plus.

«On peut faire un parallèle avec le monde des affaires, dit le maestro. Être patron d'entreprise, de nos jours, est complètement différent de ce que c'était autrefois. Cette différence est aussi importante entre les chefs d'orchestre du passé et ceux du présent. Avant, le chef était au sommet de la pyramide et disait aux gens quoi faire et comment le faire. Aujourd'hui, je le vois plutôt comme quelqu'un placé à la base de la pyramide pour soutenir son monde. Il insuffle quand même sa vision, parce qu'il a le privilège d'être le seul à entendre avec une oreille extérieure et à avoir devant lui toute la partition, mais cela se fait de manière beaucoup plus conviviale et collégiale qu'autrefois.»

On peut constater cette ouverture d'esprit chez bien des chefs de la nouvelle génération, que ce soit Yannick Nézet-Séguin, Jacques Lacombe, Alain Trudel ou Paavo Järvi.

«On est davantage à l'écoute des idées des musiciens et on partage le leadership. Ce sont des experts avec une vaste expérience musicale et ce serait bête de ne pas en bénéficier. Tout le monde travaille ensemble au service de la musique.»