Le présent programme de l'Orchestre Symphonique de Montréal - donné exceptionnellement hier soir et ce soir - se veut un hommage au père Emmett Johns, le créateur bien connu d'un organisme local d'aide aux jeunes sans-abri. Celui qu'on surnomme «Pops» et qui a maintenant 83 ans assistait au concert hier soir. Du haut d'une loge, il a remercié l'assistance - la faible assistance, attribuable à la soirée d'élections.

Il ne fait aucun doute que le travail du père Johns est méritoire et doit être appuyé. Comme la semaine dernière pour l'environnementaliste David Suzuki, j'aimerais tout simplement qu'on nous explique quel est le rapport entre ce travail et le cadre d'un concert.

Pour l'occasion, Nagano avait même commandé une oeuvre à Jean Lesage. Beatitudines - c'en est le titre - comprend trois mouvements que séparent des lectures de textes inspirés par le zèle du père Johns. Kelly Rice, chroniqueur anglais de radio, ensuite Yves Desgagnés, comédien bien connu, sont les lecteurs. L'ensemble totalise 23 minutes. Je n'ai pas chronométré la partie musicale, qui se ramène à un flux et reflux plutôt monochrome, parfois presque tonal, parfois proche de l'univers assez malsain de Claude Vivier.

Après l'exécution de sa pièce, le compositeur est sorti de l'arrière-scène et a salué tout le monde.

Ce programme sert aussi d'hommage à Liszt à l'occasion du bicentenaire - hommage double, en fait, car on y entend deux oeuvres parmi les plus connues et les plus belles: le poème symphonique Les Préludes et le deuxième Concerto pour piano. Le poème symphonique reçoit une bonne lecture de routine. Le concerto se déroule moins bien. La puissance, la musicalité et la sonorité de Yefim Bronfman restent celles d'un grand pianiste. Mais son discours manque de la grande respiration que requiert cette musique intensément romantique. L'exécution très carrée est accompagnée comme telle par Nagano et l'orchestre. Le pianiste a cependant la générosité d'offrir un rappel: de Liszt encore, la deuxième des Grandes Études de Paganini.

La neuvième Symphonie de Chostakovitch complète ce concert plutôt ordinaire. La neuvième n'est certainement pas la plus importante des 15 du compositeur russe, mais elle est peut-être sa plus comique. On dirait parfois une musique de foire. Nagano la dirige avec un certain esprit. De l'exécution entière se détachent des cordes unifiées et le magistral solo de basson de Stéphane Lévesque qui monte du Largo et enchaîne le finale.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Yefim Bronfman, pianiste. Lecteurs: Kelly Rice et Yves Desgagnés. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Série Signature.

Programme:

Les Préludes, poème symphonique, S. 97 (1848-54) - Liszt

Beatitudines
(2011) (création) - Lesage

Concerto pour piano et orchestre no 2, en la majeur, S. 125 (1839-40, rév. 1861) - Liszt

Symphonie no 9, en mi bémol majeur, op. 70 (1945) - Chostakovitch