Bernard Labadie et ses Violons du Roy terminent leur 26e saison par une tournée de deux semaines qui s'ouvrait hier soir par leur dernier concert à l'église St. James United et les conduira dans plusieurs villes américaines, de la Californie à New York, pour se terminer le 10 mai à Québec, leur port d'attache.

Habile programmateur, Labadie a axé ce couronnement de saison sur un nom, Ian Bostridge, et sur le contenu du disque Three Baroque Tenors qu'il vient d'enregistrer avec le réputé ténor britannique et l'ensemble instrumental The English Concert, chez EMI. Mise à part la référence aux trois ténors que l'on sait, le programme évoque trois chanteurs de l'époque (deux Italiens et un Anglais) qui s'y illustrèrent.

Le programme reprend sept des 15 airs du disque. En fait, huit hier soir car M. Bostridge a donné comme rappel l'air de Don Chisciotte de Francesco Conti sur lequel s'ouvre le CD. À l'exception de Giulio Cesare et Hercules de Handel, il s'agit d'un programme composé exclusivement de pages totalement obscures, de Vivaldi, Antonio Caldara et Francesco Gasparini.

Bien connu par ses disques, le chanteur venait ici pour la première fois et aurait dû attirer beaucoup plus que 300 personnes. On a imputé cette mince assistance à une télévision particulièrement sportive et politique ces soirs-ci. Déjà adopté par les Violons du Roy, Ian Bostridge sera l'Évangéliste de leur Passion selon saint Jean dans la nouvelle salle le 23 mars.

Âgé de 46 ans - il est né le jour de Noël 1964 -, Ian Bostridge est unique en son genre. Il arrive en simple complet de tous les jours et chemise sans cravate, n'a absolument rien d'un jeune premier, grimace presque sans arrêt pendant qu'il chante, donne parfois l'impression qu'il va pleurer, tourne ses pages de musique penché vers l'auditoire, comme s'il lui racontait une histoire.

Qu'on n'aille pas voir là autre chose que la description la plus fidèle possible de cet artiste exceptionnel, à la présence et à la personnalité inouïes. Un aveu: n'étant pas attiré par le baroque, j'avais peur de m'ennuyer. J'ai été sidéré. Au départ, la voix n'est ni attrayante, ni puissante. Mais ce qu'en fait le chanteur tient du miracle. Sa technique est prodigieuse. Il égrène les mélismes (parfois sur deux octaves) à une vitesse déconcertante, faisant toujours servir cette virtuosité à des fins expressives, et il colore ses différents registres avec la plus belle souplesse. Autant de qualités qui font de lui un spécialiste du baroque et, en même temps, le confinent à un répertoire bien particulier, certains étranges opéras de Britten, par exemple.

L'invité semble avoir inspiré l'orchestre et l'orchestre semble l'avoir inspiré. On ne pouvait souhaiter dialogue plus serré. Labadie et ses cordistes, auxquels s'ajoutaient quelques musiciens additionnels, dont le théorbiste Sylvain Bergeron aux premiers rangs, complétaient le programme de deux heures avec une petite symphonie de William Boyce, deux concertos grossos de Handel et, du même, une suite d'Alcina jouée avec énormément d'élan et de contraste.

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LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Ian Bostridge, ténor. Hier soir, St. James United Church.