La 30e saison de l'Orchestre métropolitain sera soulignée en grand, dimanche, avec la Symphonie no 4 de Bruckner et un triptyque d'oeuvres québécoises, pour ce qui sera son dernier concert à Wilfrid-Pelletier. Son maestro, Yannick Nézet-Séguin, dresse un bilan de ses années à l'orchestre jusqu'ici.

«J'avais seulement 24 ans quand on m'a confié la direction de l'OM en 2000, dit-il. Pour moi, c'était quelque chose d'énorme et d'inattendu. Ce qui manque aux jeunes chefs, souvent, c'est de pouvoir se développer en dirigeant, car c'est un métier qui s'apprend beaucoup sur le tas. Alors que je m'attendais à passer des années comme chef assistant à l'étranger, j'ai eu là une occasion extraordinaire de grandir comme chef, ici, à Montréal.»

À ses débuts au pupitre de l'OM, il a fait le pari que l'institution pourrait réaliser encore mieux sa mission d'accessibilité, celle d'être un orchestre composé de musiciens d'ici et près des gens, tout en élevant ses standards de qualité. Onze ans plus tard, il considère son pari tenu. Un constat que partagent les musiciens.

«Il y a eu des sauts qualitatifs importants avec les différents chefs que l'on a eus, mais particulièrement sous la baguette de Yannick. Depuis qu'il est là, on a fait beaucoup de disques reconnus et récompensés, et la renommée de l'Orchestre a grandi», constate Jean Paquin, 3e cor et membre fondateur de l'OM.

La nouvelle salle

Avec le concert de dimanche, une page d'histoire sera tournée, puisqu'il s'agit de l'ultime concert de l'OM à Wilfrid-Pelletier. Tout comme l'OSM, l'orchestre sera en résidence à l'automne dans la nouvelle salle en construction.

«D'après ce que j'ai constaté en la visitant, je pense qu'on va avoir un beau problème: les gens vont devoir s'habituer à avoir plus de son, plaisante le chef. Sur le plan du jeu, on devra s'adapter, ce que font naturellement les musiciens, mais cela prend un certain temps.»

L'acoustique de la nouvelle salle permettra aux spectateurs de mieux différencier les sonorités caractéristiques des formations qui s'y produiront, selon lui. Car au-delà de leurs missions respectives, les deux grands orchestres de la métropole se distinguent l'un de l'autre par leur personnalité musicale et leur son, explique-t-il.

«L'OM possède une sorte de générosité de son immédiate, parfois un peu plus franche, par rapport à l'OSM qui est très souple, très raffiné et plus délicat, et c'est intéressant quand le public d'une ville a la chance de pouvoir entendre des sonorités différentes, explique-t-il. C'est un phénomène rare en Amérique du Nord, où des villes plus grosses que Montréal, comme New York, n'ont qu'un seul orchestre symphonique. Au Québec, on adopte plutôt un modèle européen, comme Paris ou Londres.»

Le concert

Outre la Romantique de Bruckner, le concert de dimanche sera l'occasion d'entendre trois oeuvres de compositeurs québécois représentant trois décennies successives, en hommage aux 30 ans de l'Orchestre. Un choix symbolique, aussi, de l'implication de l'OM auprès des compositeurs d'ici.

D'abord Orion, du regretté Claude Vivier. Cette oeuvre a servi d'inspiration aux deux autres, commandées par l'OM. De Denys Bouliane, Kahseta's tekeni-ahsen se base sur des rythmes de danses amérindiennes avec abondance de percussions, tandis que Vers les astres, d'Éric Champagne, cite des motifs d'Orion.

Par ailleurs, l'OM enregistrait cette semaine la Quatrième de Bruckner avec la maison Atma, poursuivant la série amorcée avec trois autres symphonies du compositeur.

Une saison occupée

La prochaine saison musicale s'annonce plus chargée que jamais pour Nézet-Séguin, qui participera à une centaine de concerts ou de représentations d'opéra. En plus de diriger à Montréal, Rotterdam, Philadelphie et Londres, il fera ses débuts au Royal Opera House dans Rusalka en mars 2012. Il sera aussi de retour au Met dans la nouvelle production de Faust de Gounod en novembre.

Cet été, il enregistrera une version concert de Don Giovanni, de Mozart, sur Deutsche Grammophon, avec le Mahler Chamber Orchestra.

Les maestros d'autrefois demeuraient en poste plus longtemps, comme Stokowski qui resta presque 30 ans à Philadelphie, mais la moyenne aujourd'hui se situe plutôt entre 10 et 12 ans. Avec les contrats prestigieux qui pleuvent, risque-t-on de voir Nézet-Séguin, après onze ans, quitter prochainement l'OM?

«C'est sûr que je pourrais me dire que j'ai fait le tour, dit-il. Mais au contraire, j'ai l'impression que l'on ne fait que commencer à récolter les fruits d'un travail assidu, tant pour assurer notre place sur la scène musicale que sur le plan du jeu, et je n'entrevois pas le moment où je vais quitter l'OM. On s'améliore, on grandit ensemble, alors pourquoi s'arrêter?»

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Orchestre métropolitain, Salle Wilfrid-Pelletier, 17 avril, 14 h.