La soprano française Natalie Dessay se produit au Metropolitan Opera de New York dans Lucia di Lammermoor, un spectacle dont la dernière sera retransmise en direct dans le monde entier samedi dans le cadre du programme de diffusion en haute définition de la salle.

À 45 ans, celle qui se définit comme une «actrice qui chante» ne cesse d'évoluer. «Le changement se situe dans ma façon d'aborder les personnages. J'ai envie d'être moins hystérique sur scène, je veux plus travailler le contrôle de ma voix», dit dans une entrevue à l'AFP cette femme frêle aux immenses yeux verts, qui arrive parfaitement à l'heure au rendez-vous et dont la célébrité s'efface dans un entretien d'une désarmante simplicité.

Mercredi soir, le public a ovationné la célèbre scène de l'oeuvre de Gaetano Donizetti où Lucia devient folle et erre dans une robe de mariée tachée de sang, après avoir tué l'homme que son frère l'a contrainte à épouser.

«Lucia est un opéra que je connais bien, et qui suscite en moi moins de stress», dit-elle. «J'ai toujours peur, parfois avant d'entrer en scène, parfois pendant que je chante, parfois à la fin, et puis ça passe. Tout dépend du rôle, de l'environnement, de mon humeur, tous les cas de figure sont possibles», souligne-t-elle. Sur scène, elle n'hésite pas à rouler le long d'un escalier avant de s'effondrer: «la musique n'est pas une fin en soi, je joue avant tout un rôle», dit-elle.

Les retransmissions en direct dans des salles du monde entier, un programme à succès que le «Met» développe depuis plusieurs années, changent-elles sa façon de chanter? «Je chante essentiellement pour les gens qui sont là devant moi, je ne pense pas au côté planétaire», même si «bien sûr cela donne aux gens qui sont loin la possibilité d'aller au cinéma près de chez eux, de participer d'une certaine façon à la fête», estime Natalie Dessay.

La cantatrice a d'ailleurs quelques réserves. «C'est un stress de plus, la retransmission fait entendre des détails qui ne sont pas forcément audibles pour le public en salle», dit-elle. «Et j'ai une réserve en ce qui concerne la haute définition. Pour les êtres humains de plus de 16 ans et demi, c'est catastrophique, surtout si le cameraman n'essaie pas d'éviter grimaces et gros plans: on voit l'accroche des perruques, les imperfections, je ne vois pas pourquoi on a besoin de la HD», ajoute-t-elle.

La soprano est mère de deux enfants de 12 et 15 ans. «Ils sont habitués à me voir aller et venir et ont une belle vie, ma fille chante aussi mais du Lady Gaga, et mon fils fait de la musique et du théâtre», dit-elle.

Peu engagée, elle n'en est pas moins «psychologiquement dévastée et consternée par ce qui se passe dans le monde, où tout est régi par la cupidité des hommes».

«Si on réfléchit, on ne devrait plus faire d'enfants, à cause de la folie humaine», dit cette pessimiste, qui est convaincue que «l'humanité court à sa perte et elle aura tout fait pour ça». «Du coup, j'ai une nouvelle passion, l'équitation. Les hommes m'ont déçue, plus ça va et plus j'aime les chevaux», dit-elle.

Monter à cheval ne l'empêche pas d'enchaîner les engagements. Le 15 mai, elle fera ses débuts au Carnegie Hall à New York pour un concert où elle interprètera notamment Berg, Ravel, Rachmaninov et Massenet.

Cet été, elle sera Violetta dans une nouvelle production de La Traviata de Verdi au Festival d'Aix-en-Provence, mise en scène par Jean-François Sivadier avec le London Symphony Orchestra. Ensuite, un mois de vacances, dont quinze jours pour «chanter du Michel Legrand», en compagnie du célèbre auteur-compositeur français de musique de cinéma.