Joseph Rouleau était le deuxième des «Grands Québécois» fêtés dans la nouvelle série, ainsi nommée, de l'Orchestre Symphonique de Montréal, hier soir, dans une salle Wilfrid-Pelletier presque remplie. Le froid, la neige, le prix de l'essence qui grimpe: décidément, jamais rien n'empêchera les Montréalais de sortir!

Double hommage était ainsi rendu aux 82 ans du réputé chanteur et aux 60 ans des Jeunesses Musicales du Canada, où il fit ses débuts, à 22 ans, et dont il est le président depuis 1989.

On avait déplacé vers la droite de la scène les deux gros fauteuils rouges, style salon de massage, où prennent habituellement place l'animateur et l'invité(e) des «Concerts-Apéros». Françoise Davoine dirigeait cette fois le dialogue, face à un invité qui en impose par sa stature, sa voix large et profonde, son calme et son humour. Sa longue carrière aussi et la mémoire qu'il en conserve. Il rappelle qu'en 30 ans au Covent Garden, il chanta dans 49 opéras, pour un grand total de plus de 1000 représentations.

Joseph Rouleau a parlé dès le début de la soirée. «La musique classique... On n'est pas beaucoup, mais il faut la défendre!», a-t-il lancé à un moment donné. Ce n'est que deux heures plus tard, à 22 h 05 exactement, qu'il se décida à chanter - ce qu'il fit pendant 11 minutes seulement.

Seul à l'avant-scène, et de mémoire, il offrit deux airs d'opéras peu connus, de Simon Boccanegra, de Verdi, et d'Aleko, de Rachmaninov, qui sont aussi des monologues remplis de tristesse. Dans le premier, un père maudit l'homme qui a séduit sa fille; dans le second, un amoureux abandonné par celle qu'il aimait se remémore le bonheur passé. Le chanteur avait préparé un rappel, mais le minutage ne permit pas de le donner.

J'ignore si la voix de M. Rouleau, telle qu'elle est aujourd'hui, lui permettrait d'assumer un rôle complet d'opéra ou un récital entier. Mais je sais, pour l'avoir entendue hier soir, que cette voix est encore capable de puissance, qu'elle est juste, qu'elle n'est pas du tout détimbrée, et, par-dessus tout, que son possesseur sait encore la projeter dans la salle avec la plus totale émotion. Quel contrôle: on n'a qu'à se rappeler cette note très grave tenue à la toute fin de l'air de Verdi, ou encore ce douloureux pianissimo de tête dans l'air de Rachmaninov.

Jean-Philippe Tremblay revenait devant l'OSM avec une assurance et une efficacité qu'il n'avait pas la dernière fois que je le vis à ce pupitre. Son Académique de Brahms, en début de concert, était d'une belle pulsation. Il assura ensuite un excellent appui aux différents solistes, associés, pour la plupart, aux JMC.

Le pianiste Serhiy Salov apporta au troisième Concerto de Prokofiev non seulement une technique extrêmement précise mais encore quelques accents nouveaux au mouvement lent à variations et une irrésistible fébrilité au finale. Avant lui, Alexandre da Costa et Andrew Wan avaient dialogué très honorablement dans le Concerto pour deux violons de Bach. Marianne Fiset chanta fort joliment, mais au ralenti, le grand air de Mimi qu'elle reprendra à l'OdM en fin de saison. Burak Bilgili, basse turque, ne fait pas oublier Joseph Rouleau (et d'autres) en Philippe II, mais il est amusant en Don Basilio. Sur la voix, rien à dire.

On se demande ce que les Petits Chanteurs du Mont-Royal faisaient là. Descendre de la Montagne pour chanter pendant à peine cinq minutes, et d'une façon léthargique, autre chose que ce qui est indiqué dans le programme...

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Jean-Philippe Tremblay. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Les Grands Québécois».