Si Pierre Mercure était vivant, il aurait de quoi se réjouir. Un demi-siècle après la Semaine internationale de musique actuelle, qu'il organisait et animait, le Québec compte plus de 200 compositeurs et une quarantaine d'ensembles de musique nouvelle. Cinquante ans plus tard, le milieu se réunit pour faire le point et souligner l'anniversaire à sa façon dans un concert ce vendredi.

C'est en 1961 que Pierre Mercure, compositeur, musicien, animateur et ami des signataires du Refus global, organisait ce festival qui allait marquer l'histoire de la musique au Québec en invitant les John Cage, Stockhausen et Iannis Xenakis, entre autres.

«Cet événement a été un tremplin pour les musiques nouvelles au Québec, explique Mireille Gagné, directrice du Centre de musique canadienne. C'était un événement hautement d'avant-garde qui a dérangé et posé des bases pour permettre à la création musicale d'aller plus loin en faisant connaître des façons différentes d'écrire de la musique. Pierre Mercure lui-même avait composé sur des sculptures d'Armand Vaillancourt!»

Les graines semées alors furent fertiles, car la musique nouvelle s'est beaucoup développée depuis, s'épanouissant sous mille formes diversifiées qu'il est devenu bien difficile d'étiqueter. Au Centre de musique canadienne, on répertorie 225 compositeurs québécois, sur les 800 que compte le Canada en entier.

«Montréal est un lieu de création extrêmement actif au Canada, et l'un des plus actifs en Amérique», constate Denis Gougeon, compositeur.

À l'aube du XXIe siècle, il était temps pour le milieu de la musique nouvelle de dresser un bilan. Ce sera fait à l'occasion d'un colloque de quatre jours qui commence aujourd'hui, chapeauté par Le Vivier, un regroupement de 25 organismes dédiés à la musique nouvelle. Musicologues, compositeurs, professeurs et musiciens y viendront pour discuter du passé, du présent, mais aussi de l'avenir de la musique nouvelle.

«Le colloque s'adresse aux gens du milieu musical, mais aussi à toute personne qui s'intéresse vraiment aux musiques nouvelles et veut en connaître plus», dit Pierrette Gingras, directrice générale du Groupe Le Vivier.

Un concert

Parmi les moments marquants de la semaine, un concert réunissant 30 musiciens issus de 11 ensembles musicaux et des musiciens indépendants permettra d'entendre l'oeuvre Atlas Eclipticalis de John Cage, qui avait été créée sous la direction du compositeur lui-même à Montréal en 1961.

S'y trouveront, entre autres, des représentants du Quatuor Molinari, du Nouvel Ensemble Moderne, du quatuor de saxophones Quasar et de l'Ensemble à percussion Sixtrum. «Il est exceptionnel qu'autant d'ensembles musicaux différents se réunissent pour jouer», dit Pierrette Gingras.

L'oeuvre, écrite pour «1 à 86 instruments acoustiques et électroniques», et dont la partition ressemble davantage à quelque hiéroglyphe extraterrestre qu'à une partition traditionnelle, s'inspire de la voûte céleste. On suggère de l'écouter dans l'esprit d'une «nuit d'hiver, lorsque tout est immobile et que l'on contemple les constellations».

Son titre, Atlas Eclipticalis, a été emprunté par le compositeur à un astronome tchèque ayant réalisé des atlas célestes et cartographié le ciel en trois grandes régions: Atlas Eclipticalis, Atlas Borealis et Atlas Australis.

L'avenir

Si la musique nouvelle est dynamique chez nous, il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de trouver, dans la rue, un quidam capable de nommer un seul compositeur québécois. Mais on ne ménage pas les efforts pour corriger la situation.

Le Vivier

La création en 2007 du Vivier, qui a pour but de faire rayonner davantage la musique actuelle, fait partie des remèdes proposés. Ce sera d'autant plus vrai lorsque l'organisme aura enfin pignon sur rue dans la bibliothèque Saint-Sulpice, en 2013. Pour Denis Gougeon, qui prend part à bon nombre d'activités pour faire connaître ses oeuvres, la musique actuelle est plus accessible qu'on le prétend.

«Aujourd'hui il y a une variété d'expressions incroyable, à l'intérieur de laquelle il y a des oeuvres accessibles autant que des tendances plus pointues, au langage raffiné plus exigeant pour l'auditeur», dit-il.

Par ailleurs, l'avenir des musiques nouvelles passe aussi par la rencontre avec les autres arts, selon Pierrette Gingras.

«On est dans une époque très visuelle, et, de plus en plus, les compositeurs vont vers des maillages avec le cinéma, les arts plastiques et la danse, dit-elle. Mais le concert traditionnel, où l'on ferme simplement les yeux pour apprécier la musique, ça existe encore!»

Un peu comme les fromages, les vins ou les thés du monde, la musique actuelle s'apprivoise.

«Quand on commence à en découvrir toutes les saveurs, on y prend goût», dit-elle.

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Colloque 50 ans de création musicale, Chapelle historique du Bon-Pasteur, 23 au 26 février.

Atlas Eclipticalis de John Cage, vendredi 25 février, 21 h, Cathédrale Christ Church.