Nos Musici sont passés de 14 à 13 hier soir. Victime d'une chute, Eleonora Turovsky n'a pas encore recouvré le plein usage du bras gauche. L'épouse du chef des Musici assistait au concert, mais son poste de violon-solo était occupé tour à tour par Julie Triquet, Natasha Turovsky (fille de la violoniste et du chef) et Christian Prévost.

M. Turovsky lui-même a paru très fatigué et très vieilli. L'entourage du chef de 71 ans confirme d'ailleurs les rumeurs voulant qu'il dirige désormais de moins en moins et cède de plus en plus la baguette à des invités.

Pour des raisons inconnues - peut-être une question de programme -, le concert n'avait attiré qu'une demi-salle à Pollack.

Tout cela a-t-il produit une soirée déprimante? Absolument pas. Les musiciens semblaient plus proches que d'habitude de leur chef, qu'ils savent très malade, on les sentait davantage engagés dans le travail en équipe, et le son qu'ils projetaient dans la salle était un son plein et vivant, malgré quelques petites imprécisions ici et là.

La première moitié du concert groupait deux transcriptions de M. Turovsky. À l'origine, l'une des oeuvres est pour sextuor à cordes et l'autre, pour quatuor à cordes. Le sextuor sert de prélude à Capriccio, le dernier opéra de Richard Strauss; le quatuor est le K. 421 de Mozart. Dans les deux cas, M. Turovsky n'a rien changé aux voix originales; il les a simplement doublées ou triplées. Exceptionnellement, dans le Mozart, il a confié au seul violon-solo le Trio central du Menuet, ce qui était un peu au-dessus des moyens de sa fille Natasha.

Pour l'ensemble, le petit orchestre a joué ce Mozart avec un bel élan et sa réussite est d'autant plus à signaler que M. Turovsky avait imposé toutes les reprises, même celles qu'on ne fait jamais. Le Strauss d'entrée fut un peu plus approximatif.

Après l'entracte, les Musici reprenaient les bizarres Quatre Tempéraments de Hindemith, joués une première fois en 1995. Une très longue introduction de 17 pages précède la série même de quatre mouvements, qui sont autant de «variations» sur quatre «tempéraments» humains: mélancolique, sanguin, flegmatique et coléreux.

La partition ne dit rien sur le caractère à donner à chaque mouvement, sauf, à la rigueur, le dernier, Cholerisch, marqué d'une certaine violence et assorti de quelques indications comme «furioso», «pesante», «appassionato». Au total: du piano virtuose, sollicité presque sans répit pendant près d'une demi-heure, et défendu avec exactitude par Jimmy Brière, malgré des conditions difficiles.

En effet, M. Brière dialoguait avec l'orchestre plus qu'il ne suivait le chef. Ainsi, on l'a vu en étroit duo avec le violon-solo au début du premier mouvement, Melancholisch. C'est néanmoins M. Turovsky qui eut le dernier mot, invitant le pianiste à se rasseoir pour bisser le deuxième mouvement, Sanguinisch.

______________________________________________________________________________

I MUSICI DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Yuli Turovsky. Soliste: Jimmy Brière, pianiste. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill.

Programme:

Sextuor à cordes de Capriccio, op. 85 (1942) - Strauss (arr. Turovsky)

Quatuor à cordes no 15, en ré mineur, K. 421 (1783) - Mozart (arr. Turovsky)

Die vier Temperamente, pour piano et orchestre à cordes (1940) - Hindemith