La quatrième «édition» (comme on dit) du concert-bénéfice annuel de l'Institut du cancer de Montréal, hier soir, offrait plusieurs points communs avec l'«édition» 2009. Bien sûr, on notait des différences. Ainsi, en 2009, cet événement musical et mondain qui porte le titre assez extraordinaire de Concert contre le cancer avait lieu un vendredi 13.

Mais l'Orchestre Métropolitain et son Choeur étaient là en 2009, tout comme hier soir (en 2010, c'était Nagano et l'OSM). Alors que Nézet-Séguin dirigeait le concert précédent, la baguette passait hier à un jeune chef d'ici en début de carrière, Giuseppe Pietraroia.

Soliste il y a deux ans, la soprano Gianna Corbisiero revenait hier soir et se présentait de nouveau dans trois robes différentes. Je ne saurais dire cependant si les trois toilettes étaient les mêmes ou non.

Il y a deux ans, Mme Corbisiero avait un seul partenaire: Marc Hervieux. Hier soir, elle en avait deux: Gino Quilico et Antoine Bélanger.

Le précédent programme était composé d'extraits d'opéras français et italiens. Hier soir : menu exclusivement italiano, tout comme les appétissantes créations de Dansereau Traiteur qui circulaient sur les plateaux au Piano Nobile.

On peut se demander - comme elle-même peut aussi le faire - si Gianna Corbisiero n'est pas en passe de devenir la spécialiste des Concerts contre le cancer. La question est inévitable, mais je la pose sans aucune méchanceté, bien au contraire. La fringante chanteuse est encore relativement jeune et séduisante et, mieux encore, elle chante encore bien.

J'ai pris hier soir à l'observer et l'écouter autrement plus de plaisir qu'à une certaine Fleming il y a quelques jours. Avec une voix encore solide et bien projetée, Gianna Corbisiero a exécuté sans problème les périlleux intervalles et roulades de l'héroïque «Come scoglio» de Fiordiligi, du Cosi fan tutte de Mozart. J'aurais simplement voulu sentir davantage le trouble qui s'empare alors du personnage.

Mozart n'est pas sa spécialité, non plus que Bellini. Et pourtant, elle a rendu l'épuisant «Casta diva» de Norma avec une vocalità toujours soutenue. Le grand romantisme italien lui va mieux, comme elle l'a montré dans un duo de cette même Traviata de Verdi qu'elle chanta sur cette scène il y a plusieurs années.

Le concert marquait également une sorte de retour à l'opéra du baryton Gino Quilico, qui donne depuis quelques années dans la chansonnette. Le grand monologue de Iago dans l'Otello de Verdi le trouva en forme, comme acteur et comme chanteur. Grâce à beaucoup de métier, il a même campé des Scarpia et Germont crédibles, bien que ces rôles ne soient pas précisément dans ses cordes.

Antoine Bélanger fut le plus faible des trois solistes. La voix n'est pas belle et le style italien n'y est pas. Le choeur n'était pas dans son meilleur soir. Au mieux, on aurait dit un bon ensemble d'amateurs.

Par contre, l'Orchestre Métropolitain sonnait hier soir à Wilfrid-Pelletier beaucoup mieux qu'à Maisonneuve lundi. La fermeté et l'expression des cuivres dans l'ouverture de La Forza del destino de Verdi, qui ouvrait le concert, la chaleur des cordes dans l'Intermezzo de Manon Lescaut de Puccini, entre autres, nous valurent un orchestre pour ainsi dire méconnaissable.

Dans le programme entier, le jeune Pietraroia révéla une réelle affinité avec le répertoire italien. Quelques flottements entre orchestre et choeur furent vite oubliés. Les chanteurs revinrent saluer plusieurs fois et donnèrent en rappel le populaire «Libiamo» de La Traviata.

Les allocutions d'entrée - où l'on a entendu au moins six fois l'affreux «support» à la place de «soutien», le mot juste - ont révélé une assistance de près de 3 000 personnes et un bénéfice de 550 000 $. Un détail: personne ne chantait ou jouait bénévolement et la salle n'était pas offerte gratuitement.

«CONCERT CONTRE LE CANCER». Orchestre Métropolitain et Choeur de l'OM (dir. François Ouimet et Pierre Tourville). Chef invité: Giuseppe Pietraroia. Solistes: Gianna Corbisiero, soprano, Antoine Bélanger, ténor, et Gino Quilico, baryton. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.