Yannick Nézet-Séguin sonde le scénario de la Symphonie fantastique de Berlioz depuis une dizaine d'années. Cette oeuvre unique en son genre, il la donna deux fois avec l'Orchestre Métropolitain (en 2001 et en 2009) et continua de l'explorer lors de ses débuts très médiatisés à l'Orchestre Philharmonique de Berlin en octobre dernier.

Radiodiffusé ici, le concert nous apporta de la part de Nézet-Séguin une vision encore plus détaillée de la partition. Quelques mois plus tôt, en mars, le jeune chef enregistrait la Fantastique avec l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam, dont il est le titulaire, et cette fois non pas pour la marque britannique EMI mais pour la marque suédoise BIS.

Le disque vient de paraître et rejoint les meilleures versions de l'immense discographie de la Fantastique. Il y a là un souffle jeune, des accents nouveaux et un traitement de la virtuosité orchestrale qui va toujours dans le sens de l'expression.

Chaque élément du premier mouvement, Rêveries. Passions, est traduit avec justesse - nuances dans le premier cas, nervosité dans le second - et l'ampleur du son de Rotterdam s'impose immédiatement.

Un bal, le deuxième mouvement, est aérien, raffiné, et la Scène aux champs, le troisième mouvement, découvre deux premiers-pupitres de très haut niveau, le cor-anglais puis le hautbois, dans leur mystérieux dialogue d'entrée. On notera, à la toute fin, la force inhabituelle avec laquelle les timbales de Rotterdam reprennent, à la place du hautbois, le dialogue avec le cor-anglais.

La Marche au supplice, le quatrième mouvement, a quelque chose à la fois de solennel et d'hallucinant, et doublement car Nézet-Séguin y fait la reprise, comme au premier mouvement. Enfin, le cinquième et dernier, Songe d'une nuit du Sabbat, est terrifiant, avec ces cloches volontairement un peu fêlées et tous ces effets caricaturaux où le chef pousse les instruments à leurs limites.

Cette Fantastique faisant 54 minutes, on a complété le disque avec la scène lyrique Cléopâtre (ou La Mort de Cléopâtre selon certaines éditions) chantée par Anna Caterina Antonacci. C'est le même couplage que la Fantastique de Gergiev-Philharmonique de Vienne, avec Olga Borodina, chez Philips, en mieux, sans être tout à fait ce qu'on souhaiterait. La voix est belle, bien qu'un peu stridente à l'aigu, le français est plutôt bon, mais le tragique n'y est pas vraiment.

**** 1/2

BERLIOZ : ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE ROTTERDAM. DIR. YANNICK NÉZET-SÉGUIN

BIS, SACD-1800