Six cents personnes remplissant Pollack Hall à sa capacité et vibrant dans un silence absolu à la pensée de Bach transmise par le violoncelle solitaire de Jean-Guihen Queyras.

J'ai tenté de résumer en une phrase - sans peut-être y parvenir tout à fait! - l'impression très forte laissée par l'intégrale des six Suites pour violoncelle seul du Cantor présentée par l'un de ses interprètes les plus renommés.

J'ai commenté samedi dernier l'enregistrement que le violoncelliste français de 43 ans (natif de Montréal) en a réalisé en 2007. Son interprétation a changé en trois ans. Un détail - important - est resté le même: comme sur son enregistrement, il utilisait hier soir son magnifique violoncelle Gioffredo Cappa de 1696. Il jouait les six Suites dans l'ordre suivant: 1, 4, 3, 5, 2, 6, par groupes de deux suivis d'un entracte. Durée totale de la soirée: trois heures.

Au plan technique, on retrouvait la même souplesse d'archet, la même clarté d'articulation et la même beauté de son. À ces qualités s'ajoute l'exploit que représentait l'exécution de mémoire et en public de ces deux heures de musique, l'exercice comportant un risque qui n'existe pas en studio. Cet exploit, Queyras l'a réussi : il a tout joué sans la moindre erreur. On a simplement entendu quelques petits grincements ici et là; on a aussi noté une légère fatigue à la fin, comme d'ailleurs chez les auditeurs, ce qui est tout à fait normal dans un tel contexte.

Les différences entre l'exécution d'hier soir et l'enregistrement concernent l'approche en général. Il y a maintenant chez Queyras une plus grande allure d'improvisation. Ses sarabandes sont plus rêveuses; il fait du rubato dans celle de la quatrième Suite et colore d'une véritable tristesse celle de la cinquième Suite. Ses courantes sont parfois trop rapides, même qu'il «mange» quelques notes dans celle de la troisième Suite.

Les reprises maintenant. Au disque, il les fait toutes sans exception; hier soir, il en a omis quelques-unes seulement. On note qu'il apporte au second énoncé des nuances plus marquées d'attaque, de phrasé, de sonorité, qu'il s'attarde davantage sur des détails et qu'à un ou deux endroits, il vient même bien près de tomber dans un certain maniérisme, chose qui se produit chez un interprète à force de jouer et de rejouer les mêmes oeuvres.

Presque sans mélange, donc, ces deux heures de musique. On regrette simplement que le violoncelliste se soit empressé d'ajouter quelque chose à ce qu'il avait pourtant si bien dit : un tout petit rien du tout signé György Kurtag, intitulé Arnyak, qui n'avait absolument rien à voir avec ce qu'on venait d'entendre.

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JEAN-GUIHEN QUEYRAS, violoncelliste. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill. Dans le cadre du Festival Bach de Montréal.

Programme: Suites pour violoncelle seul, BWV 1007 à 1012 (c. 1720) - J. S. Bach.