L'Orchestre Symphonique de Montréal annonce ce concert double (donné exceptionnellement lundi et mardi) comme faisant partie du Festival Bach, qui tire à sa fin. Mais l'OSM n'y joue pas une seule note de Bach. Kent Nagano et l'orchestre sont bien sur scène, mais tout ce qu'on entend là de Bach se ramène à deux courts préludes de choral pour orgue joués dans des transcriptions pour piano de Busoni.

Par ailleurs, ces deux préludes (dont l'ordre d'exécution a été inversé hier soir) encadrent les Vier ernste Gesänge - Quatre chants sérieux - de Brahms dans une version agrandie d'un certain Detlev Glanert. Celui-ci a maintenu la partie vocale intacte, mais il a orchestré l'accompagnement pianistique et a même ajouté un prélude à chacun des quatre chants et un postlude à la toute fin.

Cette orchestration fantaisiste et prétentieuse (avec sa petite valse annonçant le mot «mort»!) n'apporte absolument rien à l'original. Brahms a tout dit dans la combinaison voix-piano. Mais si on tenait absolument à une version orchestrale, on avait le choix entre Leinsdorf et Sargent, deux chefs de métier qui ont signé de très respectables orchestrations de ce cycle.

Marie-Nicole Lemieux en était la soliste. Très en voix et traduisant bien la gravité de ces textes bibliques, elle fit même oublier la «décoration» orchestrale qu'on lui avait imposée. Quant au petit Jan Lisiecki, déjà bien connu ici, il a joué ses deux Bach très correctement.

Après l'entracte, Nagano revient à la neuvième Symphonie de Bruckner, qu'il avait dirigée ici en 2005 dans l'édition de Leopold Nowak. Cette fois, l'OSM indique qu'il a choisi l'édition de Robert Haas. Les deux sont très voisines. En fait, je suivais dans Nowak et n'ai vu aucune différence. Je me suis même rendu compte que je tournais mes pages en même temps que Nagano tournait les siennes!

L'exécution de 2005 avait été mauvaise. Celle-ci est bien supérieure. Nagano ne nous donne pas un Bruckner aussi envoûtant que celui de Decker, par exemple; son approche manque encore de chaleur, on aimerait que son discours respire davantage. Ce Bruckner un peu hautain correspond sans doute à la personnalité de notre maestro. Néanmoins, il y a là une pensée - il n'y en avait pas il y a cinq ans! -  et le son qui monte de l'orchestre tout entier est majestueux et surtout très proche de l'univers spirituel de celui qu'on appelait «le ménestrel de Dieu».

La salle n'était pas comble hier soir, la subite tempête de neige étant sans doute en cause. Mais l'auditoire a écouté ces 65 minutes de musique dans un silence qui s'est prolongé de plusieurs secondes.

_____________________________________________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano, et Jan Lisiecki, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Série «Grands Concerts».

Programme:

Prélude de choral Nun komm, der Heiden Heiland - Bach, arr. Busoni

Vier Präludien und Ernste Gesänge, d'après Brahms, pour voix et orchestre (2005) - Glanert

Prélude de choral Wachet auf, ruft uns die Stimme - Bach, arr. Busoni

Symphonie no 9, en ré mineur (1887-94) - Bruckner, édition Robert Haas