Stimulante, l'idée de Jean-François Rivest pour ce concert de son Orchestre de l'Université de Montréal : deux Cinquièmes Symphonies qui, n'ayant rien à voir avec Beethoven, sont de compositeurs scandinaves nés la même année, 1865, le Finlandais Jean Sibelius et le Danois Carl Nielsen, et sont contemporaines et étrangement semblables.

Sibelius entreprit sa Cinquième en 1914 et, après plusieurs révisions, la compléta en 1919. Nielsen composa la sienne presque sans interruptions de 1920 à 1922.

Les deux partitions sont de structures inhabituelles. Chez Sibelius, le premier mouvement est en fait la refonte des deux premiers mouvements de la version originale. Chez Nielsen, l'oeuvre se présente en deux vastes moitiés qui comprennent respectivement deux et quatre sections contrastantes.

Rivest plaça les deux symphonies en ordre chronologique, avant et après l'entracte, créant ainsi une intelligente progression. Dans ses notes de présentation (peu importe qu'il donne la mauvaise date pour le Nielsen), il parle de la nature «immensément cosmique» des deux oeuvres et des «atmosphères étranges et inconnues» et des «forces naturelles brutes, non domestiquées, non visitées par l'homme» qui les rapprochent, tout cela justifiant le titre de «Symphonies telluriques» donné au concert.

Il faut se souvenir aussi que Sibelius composa sa cinquième Symphonie en pleine guerre de 1914-18 et que Nielsen composa la sienne peu de temps après. Les deux oeuvres se ressentent inévitablement de ces années très dures pour l'humanité, d'où ce mélange de bizarreries instrumentales, de mystère, de suspense et de violence qui les caractérise, surtout chez Nielsen, dont la place en fin de concert était particulièrement efficace.

À son habitude, Rivest aiguillonna au maximum ses musiciens -  70 hier soir, auxquels s'étaient joints quelques professionnels comme moniteurs. Les deux partitions sont extrêmement difficiles et ne furent pas exécutées à la perfection, chose inévitable dans un tel exercice. Mais les petites imperfections disparaissaient devant l'engagement total de ces jeunes. En fait, les sons un peu crus qui montaient parfois de la scène convenaient parfaitement au sujet!

Par ailleurs, d'importants solos furent étonnamment bien rendus, principalement chez les bois (10 sur 10 à la clarinette) et les percussions (idem à la caisse claire).

En début de concert, Steven Massicotte, gagnant du Concours de concerto 2010 de l'OUM, traversa le populaire deuxième Concerto de Rachmaninov avec la technique et la puissance sonore requises. L'orchestre couvrit le piano au début, mais l'équilibre se rétablit bientôt. Formé par Raoul Sosa, Jimmy Brière et Marc Durand, le jeune pianiste a révélé de réelles qualités de musicien et une continuelle clarté de jeu.

ORCHESTRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Jean-François Rivest. Soliste : Steven Massicotte, pianiste. Hier soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.

Programme :

Concerto pour piano et orchestre no 2, en do mineur, op. 18 (1900-01) - Rachmaninov

Symphonie no 5, en mi bémol majeur, op. 82 (1914-15, rév. 1919) - Sibelius

Symphonie no 5, op. 50 (1920-22) - Nielsen