Dimitra Theodossiou chantera ce soir le rôle d'Élisabeth 1re pour la première de Roberto Devereux, de Donizetti, à l'Opéra de Montréal, qui prend l'affiche pour cinq soirs. Le rôle d'une reine reconnue pour sa force de caractère, un trait que partage certainement avec son personnage la soprano grecque, comme en témoigne son destin particulier.

Si elle était fascinée par l'opéra depuis son enfance, Dimitra Theodossiou ne se destinait pas à vivre de sa voix. En effet, sa famille, assez traditionnelle, ne voyait pas d'un très bon oeil une carrière en musique. On la poussa donc à faire des études universitaires en économie.

Ce n'est qu'à l'âge de 25 ans qu'un incroyable hasard allait changer le cours de sa vie. Lors d'un voyage en train de Munich à Zurich, elle rencontre celle qui deviendra sa professeure de chant, Birgit Nickl. Leur conversation la convainc d'entreprendre des études musicales.

«Je suis convaincue qu'il s'agissait du destin, et non de la chance», a confié la chanteuse à La Presse lors d'une entrevue accordée la semaine dernière.

Elle assure néanmoins n'avoir gardé aucune rancune envers ses parents pour lui avoir imposé ce détour. «Nous étions une famille très modeste et ils faisaient leur devoir en décidant ce qu'ils croyaient être le mieux pour l'avenir de leurs enfants, dit-elle. Faire carrière en opéra n'était pas une possibilité que l'on pouvait envisager facilement avec les moyens que nous avions.»

Quatre ans plus tard, à 29 ans, elle faisait ses débuts sur scène. Depuis, sa carrière s'est concentrée surtout en Europe, avec des incursions au Japon et aux États-Unis. Son passage à l'Opéra de Montréal constitue sa première apparition au Canada.

Il s'agit toutefois de la sixième production où elle chante ce rôle, qu'elle juge très difficile. «C'est un immense défi vocal, dit-elle. Il faut posséder une technique absolue pour déjouer les pièges qu'il comporte, et j'estime qu'en ce moment, j'ai atteint ce but presque à cent pour cent. On peut dire que si j'étais artiste dans un cirque, avec ce rôle, je serais certainement funambule.»

Le rôle d'Élisabeth est cependant l'un des favoris de la chanteuse, à cause de la force de caractère du personnage. «Je suis contente d'arriver dans un nouveau pays et de me présenter pour la première fois au public canadien avec un rôle aussi important», dit-elle.

La soprano, qui en est à sa quinzième année sur scène, possède un répertoire de plus de 45 rôles, principalement dans le bel canto et chez Verdi. Elle est surtout reconnue par la critique pour ses interprétations de Norma, de Lady Macbeth et de Médée.

Un opéra rarement produit

Présenté pour la première fois au Québec, Roberto Devereux est un opéra rarement produit. La chanteuse n'avait donc que peu de modèles pour s'inspirer avant de personnifier la reine d'Angleterre. Elle n'avait d'ailleurs jamais vu l'opéra avant d'attaquer ce rôle, ce qui, selon elle, ne représentait pas un problème.

«J'avais écouté un enregistrement, mais en général, je préfère ne pas voir de production avant de commencer à travailler un rôle, dit-elle. Je préfère laisser la musique me guider pour former mentalement ma propre interprétation.»

Un timbre particulier

Connaissant ses origines, on ne s'étonnera pas d'apprendre que l'idole absolue de Dimitra Theodossiou est la grande Maria Callas.

De fait, certains critiques ont déjà comparé sa voix au timbre particulier à celle de Callas. Mais, selon elle, cette similarité s'explique par la langue grecque, qui influence forcément la façon de chanter, même dans une autre langue.

«L'articulation du grec donne des particularités à l'interprétation, dit-elle. C'est probablement cette similarité que l'on perçoit en faisant des comparaisons avec Callas.»

Après son passage à Montréal, plusieurs engagements européens attendent la soprano, notamment dans Ernani à Bologne et dans Nabucco à Vérone. Pour l'instant, un retour en Amérique du Nord demeure hypothétique.

«Des discussions sont en cours, mais on attend de voir la réception de cette production pour savoir comment les choses évolueront, dit-elle. Des auditeurs américains et du reste du Canada seront présents dans la salle. J'espère que cela portera ses fruits, car j'aimerais revenir.»