Lové dans un fauteuil de sa modeste loge de l'Orchestre symphonique de Chicago, Gérard Depardieu fait part de sa lassitude du cinéma et du théâtre actuels lors d'une entrevue avec l'AFP, accordée après avoir déclamé le monologue de Lélio d'Hector Berlioz.

«Être acteur ce n'est pas grand chose maintenant, surtout maintenant. Ah! Les acteurs de théâtre il n'y en a plus, ou de moins en moins (...). Les metteurs en scène de théâtre m'ennuient profondément, il n'y a aucune invention,», juge Gérard Depardieu. Et le cinéma? Pas mieux, estime l'acteur aux 200 films.

«Avant, il y avait des films intéressants (...) mais maintenant il y a 3000 plans, il y a je ne sais combien de morts par film.»

Restent les chemins de traverse, comme ce Lélio d'Hector Berlioz, une oeuvre étrange.

«Moi je me considère comme un ouvrier du spectacle qui a beaucoup de plaisir à faire des rencontres, comme les musiciens qui ont un instrument et qui en sortent le meilleur», affirme l'acteur.

Debout sur scène, l'acteur, accompagné par l'orchestre, récite le texte original français (surtitré en anglais) décrivant les affres d'un compositeur.

«C'est comme d'être un instrument», assure l'acteur, dont la prestation a été largement saluée par la critique.

Et s'il a souhaité s'aventurer à interpréter cette oeuvre peu connue de Berlioz c'est, assure-t-il, aussi parce que son «grand, grand ami» Riccardo Muti, le nouveau directeur musical de l'Orchestre symphonique de Chicago, a dirigé la partie musicale de Lélio.

«Je suis un fan passionné» de Muti, assure Gérard Depardieu. «La simplicité avec laquelle il donne à entendre la musique, on a l'impression que ça vient d'être créé, là.»

«Il y a une écoute, il incarne (la musique), il donne de la lumière à la musique, ça c'est unique», ajoute-t-il.

Gérard Depardieu est l'un des rares acteurs français à s'être fait un nom aux États-Unis, notamment grâce à Green Card de Peter Weir (1990). Il a aussi été sélectionné aux Oscars pour son Cyrano de Bergerac (1990).

«Quand on fait un opéra avec Muti, ça n'a rien à voir avec un concert de Madonna ou (...), comment s'appellent ces vieillards? Les Rolling Stones, voilà, ça n'a rien à voir, ce n'est pas de l'argent, ce n'est pas du showbiz, chacun gagne sa vie comme il peut», assène-t-il.

Gérard Depardieu est venu à l'oratorio par le biais de son ami Jean-Paul Scarpitta, futur directeur de l'Opéra national de Montpellier Languedoc-Roussillon.

Depardieu a récité l'Oedipe roi d'Igor Stravinsky en 2001, puis s'est attaqué à l'Hary Janos de Zoltan Kodaly trois ans plus tard.

Le duo Depardieu-Muti n'en est pas à son coup d'essai. Déjà l'an dernier à Paris l'acteur français avait narré un Lélio dont la partie musicale était dirigée par le maestro italien. Rebelote l'été dernier à Salzbourg, où les deux hommes se sont alliés pour interpréter Ivan le terrible de Serge Prokofiev. Pour l'occasion, Gérard Depardieu avait même appris à manier l'accent russe.

Après sa prestation de Chicago, Depardieu devrait retrouver Lélio au Carnegie Hall de New York le 16 avril. Il souhaite aussi retourner à Chicago l'an prochain pour y donner Ivan le terrible.

«Muti a un contrat de cinq ans ici. Je pense qu'il fait sonner l'orchestre comme il fait sonner tous les orchestres du monde. Chicago, c'est un des plus grands orchestres du monde», lance-t-il.