Anthony Michaels-Moore tiendra le rôle-titre dans Rigoletto, de Giuseppe Verdi, qui prend l'affiche ce soir à l'Opéra de Montréal. Le chanteur a beaucoup d'expérience dans la peau de ce bouffon tragique, qu'il a maintes fois interprété depuis plus de 10 ans, de Bruxelles à Londres, en passant par Vienne et Madrid.

C'est la première fois qu'Anthony Michaels-Moore vient chanter à Montréal. Nous l'avons rencontré la semaine dernière après une répétition. C'est un Rigoletto modelé par ces années de travail qu'il présentera au public montréalais, alors que son jeu s'est enrichi avec le temps.

«En vieillissant, mon interprétation a évolué et je pense que le personnage de Rigoletto est devenu plus torturé qu'il ne l'était au début, dit-il. Quand vous chantez ce rôle, les premières fois, la demande sur le plan vocal est très élevée. Si vous laissez les émotions prendre trop d'importance, elles nuisent à la voix. Mais avec le temps, on apprend à trouver un équilibre entre la voix et les émotions.»

Un rôle exigeant, mais qui apporte beaucoup de satisfaction. «Avec ce personnage, il y a une occasion d'aller d'un amour profond à une haine intense en l'espace d'une soirée, et le baromètre des émotions balance si violemment que cela peut s'avérer épuisant si vous décidez de le développer de cette façon», explique le chanteur.

Évidemment, on peut aussi faire le choix de chanter Rigoletto d'une manière un peu moins colorée, ajoute-t-il. «Mais il devient alors moins intéressant que si vous explorez toutes ses nuances, ce qui est aussi une bonne thérapie pour un chanteur, et une bonne façon de se débarrasser de ses angoisses!» ajoute-t-il en riant.

Il y a quelques mois, il interprétait Scarpia dans Tosca, à Londres. Sortir de la peau de ce méchant par excellence pour entrer dans celle du tragicomique Rigoletto est tout naturel pour le chanteur de 53 ans.

«J'ai de la facilité à isoler chaque personnage, dit-il. C'est une question de discipline vocale, mentale et physique très importante en opéra.» C'est aussi un grand plaisir pour le baryton de jouer les vilains et les personnages colorés.

«La voix de baryton est l'un des instruments les plus riches, ajoute l'artiste. Ce n'est pas la plus romantique, mais c'est celle que le compositeur considère s'il veut introduire un personnage fort. Le ténor démontre davantage le côté virtuose de la voix, mais n'a pas nécessairement les personnages les plus intéressants. C'est le baryton qui amène la tension dramatique à l'opéra, car il convoite ou déteste toujours quelque chose.»

D'officier à chanteur d'opéra

S'il a toujours aimé la musique, Anthony Michaels-Moore ne se destinait pas à une carrière de chanteur au départ. Ce choix est venu plus tard, alors qu'il était déjà engagé comme officier dans l'armée britannique.

«Petit garçon, j'avais une jolie voix, mais quand celle-ci a mué, mes intérêts allaient plutôt vers le rugby, le cricket et les filles!» dit-il.

Pendant ses études universitaires en histoire et en musique, payées par l'armée, il a réalisé qu'il avait plus envie de devenir chanteur que de faire carrière comme officier.

«Comme je devais rembourser les frais de mes études à l'armée, j'ai travaillé pendant quatre ans comme enseignant tout en prenant des leçons de chant en privé, raconte-t-il. J'en suis donc venu à envisager sérieusement une carrière d'opéra assez tard, vers l'âge de 27 ans. Pour beaucoup de jeunes chanteurs, cela pourrait être une bonne façon de faire. Parfois vous avez besoin de plus de maturité et d'expérience avant de vous lancer.»

Ce changement d'orientation lui a très bien réussi: il chante depuis dans les grandes maisons d'opéra d'Europe et des États-Unis, et compte bien continuer encore longtemps.

«Je fais le plus beau métier du monde, et je suis payé pour voyager dans des endroits merveilleux, dit-il. Tant que j'aurai du plaisir à chanter, je poursuivrai ma carrière. Maintenant je dois vous quitter, car c'est l'heure du Bixi!» conclut-il avant de dire au revoir pour aller explorer Montréal en compagnie de sa fiancée.

Rigoletto, salle Wilfrid-Pelletier, les 25 et 29 septembre, 2, 4 et 7 octobre à 20h, et le 9 octobre à 14h.