Lorsque Robert Lepage a accepté de mettre en scène le premier nouveau cycle du Ring en plus de 20 ans au Metropolitan Opera, il s'est donné comme défi d'utiliser la technologie pour créer un décor reflétant le style musical unique de Wagner.

Cela signifiait qu'il devait trouver un équivalent visuel pour les «leitmotivs», ou les thèmes musicaux que Wagner a utilisé pour composer la trame sonore de son drame musical.

Lors d'une récente entrevue accordée pendant les répétitions techniques, Lepage a expliqué qu'il voyait chaque leitmotiv comme un crayon de couleur: on prend un thème, puis un autre et un autre que l'on entrelace pour en former un autre encore.

Le créateur affirme avoir ainsi l'impression que la musique est nouvelle et que la situation est nouvelle, même si elle est toujours composée des mêmes éléments. Il cherchait donc un décor qui serait formé de la même façon.

Le décor en question - qui ne ressemble à rien qui ait déjà été vu sur une scène d'opéra - sera montré au public pour la première fois lundi, lorsque l'Opéra ouvrira sa saison avec Das Rheingold (L'or du Rhin), le premier des quatre opéras qui composent le cycle.

La distribution inclut le baryton-basse gallois Bryn Blythe dans le rôle de Wotan, roi des dieux, et la mezzo-soprano américaine Stephanie Blythe dans celui de son épouse, Fricka.

Ils évolueront dans une structure de métal de 45 tonnes composées de tours de près de huit mètres de haut de chaque côté de la scène, entre lesquelles se trouvent une barre horizontale supportant 24 planches. Ces planches bougent indépendamment l'une de l'autre, tournant dans n'importe quelle direction ou pliant en leur centre, de sorte qu'elles peuvent prendre un nombre quasi infini de formes et d'angles.

À l'aide de projections informatisées, ces planches peuvent devenir les eaux du Rhin, les arbres d'une forêt, un escalier, une caverne ou même les mains d'un géant.

Le décor sera utilisé pour chacun des quatre opéras, qui seront présentés au cours de deux saisons.

«Nous lui avons donné plusieurs surnoms», confie le metteur en scène québécois, qui a supervisé la construction du décor à Montréal. «Au début, chaque planche ressemblait à une scie géante, puis c'est devenu plus sophistiqué. Maintenant, nous l'appelons surtout «la machine». Parfois, en blague, je le surnomme «le monstre».»

Certains chanteurs ont dû se livrer à des mouvements acrobatiques qui rappelleront des souvenirs à quiconque a vu le spectacle Ka, que Robert Lepage a créé pour le Cirque du Soleil à Las Vegas. D'autres effets sont créés grâce à l'utilisation de doublures vêtues des mêmes costumes que les chanteurs.

«Il n'est pas nécessaire de montrer Bryn Terfel, la tête en bas, suspendu à une branche, explique Lepage. Je veux qu'il soit en forme et qu'il chante.»