Valentina Lisitsa en est à sa troisième visite, en trois ans, au Festival de Lanaudière et tout porte à croire qu'elle est en train de s'y constituer un véritable fan-club. On s'en réjouit pour elle, pour le Festival et, d'une certaine façon, pour la musique.

J'ai vu l'auditoire de la blonde pianiste ukrainienne de 40 ans augmenter de concert en concert et, hier soir, la grande église de Berthierville était bien remplie pour le programme Chopin qu'elle y donnait.

Lisitsa avait joué Beethoven au premier concert du Pittsburgh Symphony, le 23 juillet. Elle terminera son séjour lanaudois jeudi soir à L'Assomption avec un autre programme Chopin.

La soirée d'hier fut beaucoup trop longue : près de deux heures et demie, y compris un entracte d'une grosse demi-heure au cours duquel une partie du public se rassembla autour du grand piano noir très brillant utilisé par la pianiste. Il s'agit du Steingraeber & Söhne qu'elle avait joué le 23 juillet et qu'elle reprendra jeudi soir. Le son m'avait paru chaleureux dans l'acoustique parfaite de l'Amphithéâtre. Hier soir, dans la réverbération prononcée de l'église, le piano sonnait comme un autre.

Mais ce piano reste le choix personnel de la pianiste. Le représentant canadien de la marque allemande, présent au récital, avait même envoyé deux pianos, le deuxième étant destiné au mari de la pianiste, Alexei Kuznetsoff. Le récital débutait en effet par le Rondo pour deux pianos op. 73, page assez quelconque mais bien jouée.

Le deuxième piano parti, le mari aussi, Lisitsa occupait maintenant tout l'espace. Elle joua quatre oeuvres, en les enchaînant si habilement que l'auditoire ne put applaudir qu'après la dernière. En soi, l'idée était intéressante. La Fantaisie en fa mineur, la deuxième Ballade et le quatrième Scherzo laissent peu d'impression. Le jeu n'est plus virtuose, il est simplement bousculé, et la réverbération, à l'arrière de l'église, n'aide pas.

Je me rapproche pour les fameuses Variations sur Là ci darem la mano tant vantées par Schumann et jouées ici dans une version sans orchestre. La virtuosité de la pianiste est, je le reconnais, phénoménale.

Les 24 Études op.10 et op. 25 monopolisent l'après-entracte. Presque toutes ces pièces consistent en des exercices d'une effroyable difficulté et la pianiste traverse l'ensemble avec les honneurs de la guerre. Elle aborde avec sensibilité les quelques pièces tendres comme l'op. 10 no 3 et donne un sens musical à la kyrielle d'arpèges de l'op.10 no 11. On ne tient pas compte de quelques petites fautes dans les passages de très haute voltige. Mais on regrette un jeu parfois précipité où la pianiste mange des notes, on remarque que le long épisode «più lento» de l'op. 25 no 5 n'est pas assez lent, d'autres détails encore...

Pour l'ensemble, une solide réalisation des 24 Études, voire un exploit après l'exigeante première partie de programme. L'auditoire applaudit à tout rompre et avec raison. La pianiste aurait dû s'en tenir à cela, élégamment, surtout qu'il était 22 h 20 et qu'elle offrait un autre récital Chopin dans les prochains jours.

Retournant au piano, elle ajouta le petit Für Elise de Beethoven. Quel manque de goût, après tout ce Chopin! Lorsqu'elle décida de renchérir, avec un autre rappel, je suis tout simplement parti. Trop, c'est trop.

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VALENTINA LISITSA, pianiste. Oeuvres de Chopin. Hier soir, Église de Berthierville. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.