Ceux qui ont suivi notre récent Concours international de violon ont entendu le Concerto op. 77 de Brahms trois fois, l'oeuvre ayant été le choix de trois des six finalistes. Voici de nouveau l'unique concerto pour violon du compositeur, mais cette fois comme on ne l'a jamais entendu encore puisqu'il s'agit de la transcription pour piano réalisée et jouée par Dejan Lazic.

Le pianiste yougoslave de 33 ans - le nom se prononce «déian lazitch» - dit avoir travaillé cinq ans à cette réalisation, inspirée par les transcriptions de Bach et de Beethoven notamment. On sait en effet que plusieurs concertos pour clavecin de Bach furent conçus pour le violon et que Beethoven prépara une version pour piano de son célèbre concerto pour violon. On pourrait aussi mentionner des concertos pour violon adaptés à la flûte: le Mendelssohn par Wilhelm Popp, le Khatchaturian par Jean-Pierre Rampal.

Ce qu'on présente ici comme le «Concerto no 3» pour piano de Brahms a été enregistré lors de sa création en octobre dernier par son auteur et l'Orchestre Symphonique d'Atlanta dirigé par Robert Spano.

Il y a souvent lieu de se méfier de ces arrangements. Cette fois, l'exercice est pleinement convaincant et parfois même supérieur à l'original.

Précisons tout d'abord que la partie orchestrale n'a absolument pas été touchée. Lazic s'est concentré sur la partie soliste de violon, qu'il a, bien sûr, repensée en langage pianistique. De grands traits de violon sont parfois joués par le pianiste à la seule main droite. Par une répétition rapide des mêmes notes, celle-ci traduit, renforce même, le caractère dramatique de certains passages de l'original pour violon. Mais, le plus souvent, la ligne de violon passe aux deux mains. C'est le cas des doubles cordes et de maints autres éléments, où la main gauche fournit un remplissage harmonique semblable à celui des deux concertos pour piano du compositeur.

Bref, l'impression est celle d'entendre un troisième concerto pour piano que Brahms aurait pu signer, surtout que les nuances et les dynamiques sont scrupuleusement respectées. Brahms a indiqué, mais sans l'écrire, une cadence pour la fin du premier mouvement de son concerto pour violon. Lazic propose ici une cadence très pianistique, mais aussi très personnelle, de près de quatre minutes.

Spano et l'orchestre lui fournissent un commentaire généreux et très brahmsien et le public applaudit à la toute fin. Lazic complète le disque avec un enregistrement studio des deux Rhapsodies op. 79 et du pittoresque Scherzo op. 4.

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BRAHMS: CONCERTO POUR VIOLON, ARR. POUR PIANO. DEJAN LAZIC, PIANISTE.

CHANNEL, CCS SA 29410