Le Festival Montréal Baroque se termine comme il a commencé: avec une oeuvre de Monteverdi occupant toute la soirée. Jeudi, c'était les Vêpres, en reprise ce soir même. Hier, le choix se portait sur l'un des trois grands opéras de cet important novateur, Il Ritorno d'Ulisse in patria.

On connaît la légende. Héros de la guerre de Troie, Ulysse retrouve son épouse Pénélope, qui l'a attendu 20 ans et a rejeté les offres de plusieurs prétendants; il vainc ceux-ci dans un concours de tir à l'arc et les fait tous tomber sous ses flèches.

L'oeuvre fut donnée au moins une fois à Montréal: en 2003, à McGill. Il s'agissait d'une production plutôt traditionnelle, ce que n'était pas du tout celle de Montréal Baroque, assortie d'un véritable régiment de marionnettes, celles du Bread and Puppet Theater, et montée dans cet immense et très moderne espace vitré du Centre du commerce mondial qui se confond avec la Ruelle des Fortifications.

Le cadre, inhabituel pour ce genre d'événement, fut assez bien adapté aux circonstances. Le spectacle se déroula à l'une des extrémités du lieu, sur une scène improvisée, devant quelque 300 personnes assises sur des chaises de métal. Nécessaire, sans doute, l'amplification était assez bien dosée. J'ai été davantage gêné par l'absence d'éclairage projeté sur l'aire de jeu, celle-ci ne recevant que les lumières tamisées de la salle.

La formule adoptée par le metteur en scène Peter Schumann comportait, en fin de compte, deux «distributions». À droite, les interprètes, en costumes blancs de l'«édition» 2010 de Montréal Baroque, partition en mains, chantaient l'oeuvre en version concert, cependant que les situations et sentiments qu'ils décrivaient étaient «joués» par de grandes marionnettes ou mimés par des figurants, sur la scène et un peu partout dans le vaste lieu.

S'y ajoutaient, occasionnellement, toutes sortes d'accessoires d'une conception bien naïve et davantage appropriée au théâtre pour enfants. Ainsi, ces panneaux bleus découpés en forme de vagues, ces cartons qu'on voulait nous faire prendre pour des nuages, ces figurants à quatre pattes déguisés en moutons...En fait, il faut parler ici d'irrespect à l'endroit d'une grande oeuvre de l'histoire musicale.

Une grande oeuvre néanmoins marquée de redites et de temps morts. Avec coupures, une heure et demie eût suffi. La chose en a duré deux et demie, sans entracte.

Huit chanteurs se partageaient les 17 rôles (personnages humains, allégoriques ou mythologiques), certains en tenant jusqu'à trois. Il faut signaler, chez tous, la fidélité aux exigences de ce style de chant très particulier de l'époque qu'est le recitar cantando.

À son habitude, Charles Daniels, en Ulysse, fut irréprochable de voix et de style, montrant par ailleurs de la douceur dans la scène finale de la reconnaissance. Voix et style à signaler aussi chez Joel Gonzalez Estrada. Mais le plus beau timbre est venu de Harry van der Kamp, basse très sonore et très longue. Michel Léonard a donné beaucoup d'envergure au berger Eumette et Marc Molomot a fait rire en goinfre.

Chez les femmes, Laura Pudwell fut une Pénélope imposante mais froide. Aux plans vocal et expressif, Elaine Lachica et Monika Mauch firent plus grande impression.

Eric Milnes dirigeait la Bande Montréal Baroque dans l'accompagnement des voix. De la quinzaine d'instruments se détachait le commentaire richement orné de Sylvain Bergeron à l'archiluth.«IL RITORNO D'ULISSE IN PATRIA», opéra en un prologue et trois actes, livret de Giacomo Badoaro d'après L'Odyssée d'Homère, musique de Claudio Monteverdi (1640). Hier soir, Centre du commerce mondial. Dans le cadre du Festival Montréal Baroque.