Une chose est certaine: on a de la suite dans les idées chez les Violons du Roy. En parcourant mes archives de l'orchestre que dirige Bernard Labadie, je retrouve des commentaires qui, bien qu'ils datent de quelques années, s'appliquent à ce que j'ai entendu hier soir.

J'y parlais notamment de «sécheresse dans le phrasé» et d'«héritage du baroque qui vide Mozart de son contenu expressif pour n'en laisser qu'une image bien superficielle>.Même chose hier soir, au concert que Labadie consacrait au «divin Wolfgang» et qui, étrangement, n'avait fait que demi-salle à Pollack.

Deux symphonies ouvraient et fermaient le programme : d'abord la plutôt rare 33e, ensuite la célèbre 40e dans sa version originale, sans clarinettes.

L'orchestre à cordes augmenté de quelques vents et ainsi porté à 25 musiciens a joué avec une quasi-perfection, le «quasi» s'appliquant, comme presque toujours, à ces capricieux cors. La justesse des cordes est absolue, les attaques des violons sont incisives et leur disposition à gauche et à droite du chef leur donne du relief.

On aimerait ces cordes plus chaleureuses. Vain espoir : ce serait pécher contre la «rigueur musicologique». Labadie réduit le vibrato, favorise les tempi rapides, ce qui ne laisse à peu près pas de place à l'expression et à la respiration, et, pour ce qui concerne le texte même, fait systématiquement presque toutes les reprises (y compris celles qu'on ne fait jamais!). Résultat : une direction machinale, une réponse automatisée des musiciens.

Des mêmes archives a surgi ce titre : «Heureusement que Lupo était là!». Il coiffait un Beethoven que le pianiste italien Benedetto Lupo avait joué avec lesdits Violons du Roy. Parole d'honneur, c'est exactement la réaction que j'ai eue en sortant du concert d'hier soir.

Remplaçant Jeffrey Kahane dans le même dernier Concerto de Mozart, le K. 595, l'artiste de 47 ans, humblement assis à son piano, a joué avec une articulation immaculée et, surtout, avec une expression en nette contradiction avec le style sec de Labadie. M. Lupo avait choisi les cadences de Mozart et, comme le veut la bonne tradition, ornementait ici et là.

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LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Benedetto Lupo, pianiste. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill.

Programme consacré à W. A. Mozart (1756-1791):

Symphonie no 33, en si bémol majeur, K. 319 (1779)

Concerto pour piano et orchestre no 27, en si bémol majeur, K. 595 (1791)

Symphonie no 40, en sol mineur, K. 550 (1788)