Des trois concurrents entendus hier soir à la première séance de la finale du Concours international de violon, il y en a un qui ne recevra certainement pas le premier prix: Jaeyoung Kim, de la Corée du Sud. Le fragile garçon, qui a pourtant 24 ans, avait choisi un concerto beaucoup trop exigeant pour ses moyens, le Brahms, qui demande une technique colossale et une grande puissance sonore. Technique et sonorité, ici, sont à une échelle réduite et conviendraient davantage à un petit Mozart, par exemple.

Ce Brahms tout en raffinement ne passe tout simplement pas. Au premier mouvement, pendant plusieurs mesures, le violon a mystérieusement «disparu» sous l'orchestre; pour la fin du même mouvement, le finaliste avait choisi la cadence de Joseph Joachim, rendue avec quelques légers grincements.Le hasard a voulu que non seulement deux finalistes choisissent le même Brahms mais qu'ils se suivent en tout début de concert. Depuis la demi-finale, le bruit court que le Russe Nikita Borisoglebsky est le favori pour le premier prix. Impression confirmée hier soir, où il ouvrait la séance.

En simple pantalon noir et chemise blanche, ignorant les conventions et entièrement concentré sur sa musique, voici, déjà à 24 ans, un violoniste d'envergure internationale, avec une maîtrise totale de l'instrument, la plus grande aisance dans les passages les plus difficiles, une musicalité de tous les instants, une parfaite continuité de pensée et d'émotion au mouvement lent et, fondant toutes ces qualités en une seule, une sonorité toujours égale et belle.

Il avait choisi la cadence de Fritz Kreisler et la livra avec tout le brio voulu. J'ai noté une petite faute au premier mouvement, une ou deux doubles cordes légèrement imparfaites au finale. Presque rien, en vérité.

À 20 ans le plus jeune des six finalistes, l'Américain Benjamin Beilman avait choisi le Sibelius, qui comporte des difficultés égales à celles du Brahms, mais d'un autre ordre. De la part d'un concurrent aussi jeune, ce Sibelius était d'une solidité et d'une intériorité étonnantes.

Au premier mouvement, le redoutable saut de trois octaves qui ouvre la deuxième cadence - et que le soliste doit exécuter après un long silence, donc sans préparation - n'avait pas tout à fait la précision souhaitée. Le jeune finaliste connut aussi quelques légers problèmes d'articulation au dernier mouvement. Mais l'ensemble de sa prestation devrait lui assurer une bonne place, compte tenu de son âge.

Mention très spéciale à la participation de l'Orchestre Métropolitain dirigé par Jean-Philippe Tremblay. Le jeune chef a non seulement suivi les finalistes avec attention mais a fait sonner l'OM comme une formation de première grandeur, notamment dans le Sibelius, tour à tour très raffiné et très puissant. Hier soir, avec l'OM à Maisonneuve, il n'y avait ni «second orchestre», ni «mauvaise salle».

______________________________________________________________________________________________________

CONCOURS MUSICAL INTERNATIONAL DE MONTRÉAL. Discipline: violon. Épreuve finale, avec l'Orchestre Métropolitain, dir. Jean-Philippe Tremblay. Salle Maisonneuve de la Place des Arts. Première séance hier soir.

Programme:

Nikita Borisoglebsky, 24 ans (Russie): Concerto en ré majeur, op. 77 (1878) - Brahms

Jaeyoung Kim, 24 ans (Corée du Sud): Concerto en ré majeur, op. 77 (1878) - Brahms

Benjamin Beilman, 20 ans (États-Unis): Concerto en ré mineur, op. 47 (1903-05) - Sibelius