Le cinquième et dernier concert de l'intégrale Beethoven de Kent Nagano et l'Orchestre Symphonique de Montréal aura été le plus réussi. La célèbre Neuvième, couronnement de ce concert final et de la série entière, avait attiré une foule record hier soir, à tel point qu'une reprise a été ajoutée pour ce soir.

Nagano complète ce programme en puisant à l'autre extrême de la production beethovénienne et lance les opérations avec la première Symphonie. Des neuf, c'est l'une des «petites» symphonies. Cette musique est encore proche de Haydn, le ton en est léger, et Nagano la dirige dans cet esprit.Souvent gratuite et sans effet, la répartition des violons à sa gauche et à sa droite souligne bien le dialogue des deux groupes - dialogue plein de charme dans l'Andante, très rapide dans l'Allegro final. L'oeuvre est jouée avec toutes les reprises, ce qui double le plaisir qu'on y prend. Une seule ombre au tableau: les deux trompettes sont placées loin de la masse orchestrale, elles ne s'y intègrent pas, et le son qu'elles produisent n'en est que plus désagréable.

La Neuvième que tous aiment et attendent totalise une heure après l'entracte. Nagano en avait fait l'oeuvre principale au premier concert de sa toute première saison ici, le 6 septembre 2006. Le résultat avait été quelconque. Cette fois, on peut au moins parler d'interprétation. J'aimerais son mouvement lent plus véritablement «Adagio molto», mais son tempo reste acceptable et s'imbrique dans un ensemble qui se tient.

Parmi les aspects les plus remarquables de cette Neuvième, on signalera les dramatiques interventions d'Andrei Malashenko sur sa panoplie de timbales, au centre de la scène entre l'orchestre et le choeur, ainsi que l'exceptionnelle coordination des sections de cordes dans le très rapide finale. Ma seule réserve sur l'orchestre est la même : les deux trompettes, trop en dehors du reste.

Les quatre solistes entrent avant le mouvement lent et vont prendre place immédiatement devant le choeur, selon une formule plus courante en Europe qu'ici. On les verra d'ailleurs chanter avec le choeur, comme s'ils s'en isolaient ensuite pour leurs solos. La basse russe Alexander Vinogradov (qui remplace le chanteur annoncé) commence bien mais finit mal son récitatif d'entrée. Des trois autres solistes, on retiendra Jennifer Wilson: pour la présence dans un ensemble plutôt anonyme et pour un redoutable si aigu presque parfait.

Le choeur chante avec la frénésie que requiert le texte de Schiller et avec une articulation particulièrement soignée. Je ne me rappelle pas avoir entendu les syllabes de «millionen» ainsi détachées!

Une sorte de triomphe, donc. Au milieu de la «standing ovation», Nagano est revenu saluer dans un chandail du Canadien. Mêler Beethoven et hockey, je veux bien, mais à une condition : qu'au prochain match décisif, l'entraîneur paraisse en queue de pie et annonce que Bruckner vient de triompher à l'OSM.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR DE L'OSM (dir. Michael Zaugg). Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes : Jennifer Wilson, soprano, Susan Platts, mezzo-soprano, Michael König, ténor, et Alexander Vinogradov, basse. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Série «Signature».

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Symphonie no 1, en do majeur, op. 21 (1799-1800)

Symphonie no 9, en ré mineur, avec choeur et quatre voix solistes, texte de Friedrich Schiller, op. 125 (1817-24)