L'avant-dernier programme de l'intégrale Beethoven de Nagano et l'OSM, hier soir, comprenait ce que le programme annonçait comme «création mondiale/world premiere», rien de moins : une sorte de «concerto pour voix parlée et orchestre» sur le thème de Prométhée, ce personnage mythologique qui vola le feu aux dieux pour l'offrir aux humains.

Sur ce thème d'une actualité évidemment brûlante, Nagano a commandé à l'écrivain québécois Yann Martel un texte destiné à une audition entrecoupée d'extraits de la musique que Beethoven écrivit pour un ballet inspiré du même sujet. Ce ballet, c'est, bien sûr, Les Créatures de Prométhée, dont on ne joue habituellement que l'ouverture.La première exécution, hier soir - première et, sans doute, dernière - , faisait 41 minutes. La pièce se déroule comme un procès. Le comédien Michel Dumont et Kent Nagano portent la robe noire de magistrat. Assis à un luxueux pupitre, Dumont incarne le procureur de la Couronne; Nagano et l'orchestre, la défense. Prométhée est tenu responsable de problèmes tels que le réchauffement de la planète. Le procureur réclame sa condamnation mais il est sauvé par l'orchestre et les applaudissements du public.

La nécessité d'une telle chose m'échappe complètement. Côté musique, ce n'est pas le Beethoven le plus génial. Le texte de M. Martel est assez bon; il est même comique par endroits. «Le barbecue que cette planète est devenue», vocifère Dumont, à qui allure et ton d'avocat vont très bien.

Fourni aux auditeurs, le texte original était en anglais (présent hier soir, l'auteur habite Saskatoon) et fut traduit par deux personnes. Ce qui explique sans doute qu'on lise, dans le même paragraphe, «Eh bien» et «Hé bien».

Nagano complète le programme avec la célèbre Eroica, la troisième Symphonie, choix qui s'impose doublement. Tout d'abord, l'oeuvre est associée à Napoléon, lequel fut comparé à Prométhée. D'autre part, son finale est une série de variations sur un thème utilisé dans la partition de ballet.

À l'exception des cors fautifs et des trompettes stridentes, l'exécution dirigée par Nagano se caractérise par des tempi plutôt rapides et une transparence qui met en valeur tout le contrepoint. Le déroulement expéditif est justifié par les indications de Beethoven, qui écrit «Allegro» presque tout le temps. Mais il y a une exception : la Marche funèbre de Nagano est beaucoup trop rapide. Elle est marquée «Adagio assai», c'est-à-dire «très lent», chez Bärenreiter (l'édition qu'il utilise) comme chez Eulenburg.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Michel Dumont, comédien. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série Signature.

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Extraits de Die Geschöpfe des Prometheus, op. 43 (1800-01), avec texte de Yann Martel

Symphonie no 3, en mi bémol majeur, op. 55 (Eroica) (1803-04)